Revue de l’efficacité de l’assistance de la banque au secteur de la santé, 1987-2005

Date: 01/08/2006
Type: Évaluation sectorielle
Statut: Achevé(e)
Ref.: SR10000

Evaluation Team

Le présent rapport a été rédigé par Albert-Enéas Gakusi, chargé d’évaluation principal et chef d’équipe ; M. P. Madhusoodhanan, consultant de longue durée et Marc Mitchell, consultant de courte durée et professeur de santé internationale à la Harvard School of Public Health de Boston. Matthew Hodge, consultant de courte durée, a effectué l’analyse de la qualité de la conception des projets de santé. Getinet W. Giorgis, ancien directeur d’OPEV, a donné des orientations depuis la phase initiale de la revue en juillet 2005, jusqu’à son départ à la retraite à la fin de janvier 2006. Douglas Barnett, directeur par intérim, a pris la relève depuis février 2006 et a imprimé un nouvel élan au projet. Mohamed Manai, chargé d’évaluation en chef à OPEV, a prodigué des conseils sur les questions méthodologiques et l’organisation du rapport. Le rapport a bénéficié de commentaires très précieux d’Osvaldo Feinstein, sur le document d’approche et d’une revue complète par les pairs et des conseils d’Edward Elmendorf sur le projet de rapport. Detlev Puetz, chargé d’évaluation principal à OPEV, a lu le projet de rapport final et fait des observations d’ordre rédactionnel.

Objective

La présente revue vise à évaluer l’efficacité des politiques, stratégies et interventions de la Banque dans le secteur de la santé, afin de tirer des enseignements pour les politiques, stratégies et opérations futures. La revue a été effectuée par le biais d’une analyse approfondie de documents de la Banque portant sur la politique, les projets et les évaluations rétrospectives ; d’une documentation pertinente sur le secteur de la santé en Afrique ; de données relatives aux projets de la Banque ; d’entretiens avec le personnel et les responsables de la Banque en charge des questions de santé, de la formulation de politiques et de l’exécution de projets et programmes.

Main Findings

  • La morbidité en Afrique demeure la plus forte du monde et se caractérise essentiellement par des maladies infectieuses qui peuvent soit évitées ou guéries à moindre coût. Depuis les années 1980, le continent a connu des problèmes sanitaires plus redoutables, notamment l’apparition du VIH/sida et des souches du paludisme résistant à la chloroquine, la montée des maladies non transmissibles, la persistance de l’accroissement de la population et la faiblesse des performances économiques. Le système sanitaire est très mal outillé et le financement est insuffisant pour faire face aux nombreux défis en matière de santé.
  • En dépit de l’adhésion de la Banque aux objectifs de développement du millénaire (ODM), le secteur de la santé est resté insuffisamment financé, sa part dans le portefeuille total de la Banque étant tombé de 4,1 % sur la période 1996-2000 à 3,5 % sur la période 2001-2005. Pour la période concernée par cette revue, la Banque n’a consacré à la santé que 3,4 % de son aide au développement. La part de la Banque dans l’ensemble des concours des bailleurs de fonds pour les secteurs de la santé et de la population en Afrique sur la période 1990-2004 n’est que de 5,4 % et ces ressources limitées sont saupoudrées entre les PMR sur de petits projets qui, au mieux, ont un impact localisé65. Par ailleurs, il ressort de l’analyse du portefeuille que la Banque a négligé le sous-secteur population, notamment la santé génésique et la nutrition, alors que celles-ci figurent parmi les plus grands défis auquel les pays africains sont confrontés.
  • Les interventions de la Banque ont été essentiellement orientées vers les soins de santé primaires, ceux-ci représentant la stratégie de soins de santé la plus appropriée recommandée depuis la conférence d’Alma-Ata en 1978 pour sa conception axée sur l’accès universel, l’équité, la participation communautaire et les approches intersectorielles en matière de santé, bien qu’elle soit difficile à mettre en oeuvre (OMS 1990; Rainhorn et Burnier 2001 ; Schieber et al. 2006). À cette fin, les interventions de la Banque ont répondu aux politiques et priorités des PMR, guidées par les recommandations des organisations internationales spécialisées, notamment l’OMS, l’ONUSIDA, le FNUAP et l’UNICEF. Néanmoins, le secteur de la santé reçoit une part modeste du portefeuille total de la Banque, bien qu’il soit de plus en plus reconnu que le capital humain joue un rôle déterminant pour le développement économique et la réduction de la pauvreté. L’analyse du portefeuille montre également que la Banque a négligé le sous-secteur population, notamment la santé génésique et la nutrition, alors que celles-ci figurent parmi les plus grands défis auquel les pays africains sont confrontés. Qui pis est, la Banque n’a pas encore pris des mesures importantes pour appuyer le secteur privé qui représente environ 50 % des dépenses totales en matière de santé.
  • La Banque a diversifié son portefeuille de santé, réduisant la place des infrastructures au profit des réformes du secteur de la santé et du renforcement des capacités, en phase avec les autres organisations internationales de développement. La part des financements d’infrastructures a baissé, passant d’une moyenne de 79 % pendant la première période de mise en oeuvre de la politique sectorielle en matière de santé (1987-1996), à une moyenne de 64 % pendant la seconde période de cette politique depuis 1996 jusqu’à ce jour. Depuis 2003, cette part tourne autour de 50 %.
  • Selon les données disponibles, la Banque continue à éprouver des difficultés à améliorer la qualité de son portefeuille santé en termes de performances au stade de l’exécution et de résultats, contrairement à ce qui est observé chez les autres partenaires au développement comme la Banque mondiale, le PNUD ou le DFID (Banque mondiale 1999 ; PNUD 2000). Seulement 50 % des projets de santé de la Banque ont une performance globale satisfaisante en matière d’exécution. Si le nombre de « projets à problèmes » a baissé depuis 1998, la conformité aux règles de la Banque sur la passation des marchés, le respect des calendriers d’exécution et la qualité des activités et des travaux ont décliné, en dépit de plusieurs mesures prises pour l’amélioration du portefeuille. Seulement 42 % des projets de santé achevés ayant fait l’objet d’un RAP ont enregistré des performances satisfaisantes, les performances de la Banque étant satisfaisantes dans 50 % de ces cas et celles de l’emprunteur, dans seulement dans 25 % de cas. Parmi les indicateurs de résultats, la pertinence et l’atteinte des objectifs (50 %) ont fait mieux que le développement institutionnel (42 %) et la durabilité (33 %). Bien que les projets de la Banque aient mis des équipements modernes à la disposition des formations sanitaires, dans bon nombre de cas, lapénurie de personnel sanitaire formé et l’insuffisance de crédits pour les dépenses récurrentes ont compromis la durabilité des projets. Les infrastructures ont généralement accru l’accessibilité physique et l’utilisation des services, mais l’instauration de la redevance d’utilisation a dissuadé la fréquentation des formations sanitaires par les pauvres.
  • Bien que ses réalisations dans le secteur de la santé laissent beaucoup à désirer, la Banque dispose d’un potentiel lui permettant de devenir une force beaucoup plus importante et positive dans l’amélioration de la santé en Afrique. Actuellement, toutefois, ce potentiel est dans une large mesure très peu exploité, en raison de la faible priorité accordée aux investissements dans la santé, d’une approche réactive plutôt que prospective de l’identification et du financement des projets, et d’une dotation en personnel et d’incitations qui mettent l’accent sur les procédures administratives et les approbations de projets plutôt que sur l’exécution effective et sur des résultats mesurables sur le terrain. Ces problèmes sont autant d’obstacles majeurs à la réalisation du potentiel de la Banque pour exercer une influence sur les résultats en matière de santé en Afrique. Tout en étant éprouvante, la transformation nécessaire est à la portée de la Banque, étant donné l’existence d’un climat favorable au changement, les avantages réels dont jouit la Banque en tant qu’institution africaine et son accès aux principaux décideurs, la synergie susceptible d’être réalisée grâce à son intervention dans de nombreux secteurs différents et son expertise dans le développement des infrastructures.

Main Lessons

  • La faible utilisation des analyses économiques et sectorielles (effectuées par la Banque ou par d’autres institutions) empêche la Banque de produire des conceptions de projets qualitativement supérieures, de réaliser des évaluations exhaustives et des exécutions efficaces, ce qui influe négativement sur les résultats des projets.
  • Le système de motivation en vigueur à la Banque, qui récompense le personnel, notamment les hauts responsables, pour le nombre de projets transmis au Conseil et approuvés par celui-ci, sans tenir suffisamment compte de la qualité de ces projets, constitue une menace grave à l’efficacité des projets de la Banque. En d’autres termes, l’attention insuffisante accordée à la préparation et à l’évaluation se traduit par des estimations déraisonnables de temps et de coûts nécessaires pour l’exécution des projets, par une prise en compte insuffisante des facteurs de risque, ce qui, en fin de compte, compromet les performances en termes de qualité de l’exécution et de résultats.
  • L’absence d’un système de suivi et d’évaluation approprié ne permet pas à la Banque et aux PMR de tirer des enseignements des investissements dans le domaine de la santé et d’être entièrement comptables auprès des parties prenantes et des populations africaines.
  • La participation des différentes parties prenantes – notamment le personnel médical, les populations bénéficiaires et les ONG – à la conception des projets de santé garantit une prise en compte adéquate des aspects techniques et culturels et permet de renforcer l’utilisation et la durabilité des infrastructures.
  • L’engagement des pouvoirs publics et la qualité des institutions sont déterminants pour réaliser des investissements équitables réussis avec les ressources nationales et l’aide internationale.
  • En raison de l’absence d’incitations appropriées en termes de logement et de facilités de transport, il est difficile d’attirer et de retenir un personnel qualifié dans les zones rurales et de trouver une solution au déficit en ressources humaines et aux déséquilibres régionaux. En outre, il se peut que l’installation d’équipements médicaux et la construction ou la rénovation de bâtiments hospitaliers ne se soldent pas nécessairement par une amélioration sensible de la qualité des services si le personnel n’est pas en place, si l’équipement ne fonctionne pas, si l’approvisionnement en énergie électrique est irrégulier et si l’hôpital ne peut pas assurer l’entretien des équipements. 
  • L’enseignement tiré de l’expérience de financement par la Banque d’un projet privé, en l’occurrence le Centre international de diagnostic d’Abuja, est que lorsque les pouvoirs publics sont partie prenante dans des mécanismes d’exécution d’un projet privé, il est nécessaire d’adopter des formes plus rigoureuses d’obligations juridiques.

Main Recommendations

Recommandation(s) à la Banque :

  • Politique et Directives en matière de santé : Il est recommandé que la Banque révise et actualise sa politique, ses stratégies et directives en vigueur en matière de santé afin de les rendre plus spécifiques du point de vue opérationnel et de déterminer les domaines où elle peut avoir le plus grand impact.66 Afin d’identifier ces domaines, la Banque doit engager un processus de consultation intense avec ses partenaires bailleurs de fonds, financiers et clients avant d’en arriver à des conclusions et des perspectives finales. Le processus d’élaboration de la politique doit être aussi inclusif que possible avec l’implication des spécialistes de la santé aux niveaux national/régional et à la Banque. La Banque devrait rendre obligatoire l’application des directives relatives à la politique en matière de santé pour l’identification, la préparation et l’évaluation des projets, afin de s’assurer que les projets et programmes qu’elle finance reflètent les priorités opérationnelles définies dans la politique. Le processus interne doit assurer l’obligation de rendre compte de l’utilisation des directives et de tenir les supérieurs hiérarchiques comptables des résultats. Les directives relatives à la politique en matière de santé doivent contenir des orientations détaillées pour l’exécution des aspects techniques dans la conception et la gestion des projets.
  • Qualité des projets : La Banque doit déployer beaucoup d’efforts pour améliorer la qualité de ses projets dans le secteur de la santé aux stades de la conception et de l’évaluation, par une évaluation adéquate des capacités de suivi et d’exécution des projets en son sein et dans les PMR. Afin de faciliter cette démarche, la Banque doit déterminer : a) le dosage de compétences requis pour ses interventions dans le secteur de la santé ; et b) une charge de travail réaliste pour ses experts leur permettant d’améliorer la qualité de l’évaluation des projets sur la base d’une analyse appropriée du secteur de la santé, portant notamment sur la demande de services de santé, la capacité institutionnelle et l’évaluation des risques. À cet effet, la direction de la Banque devrait procéder à une évaluation du profil des compétences techniques de ses experts santé en poste par sous-secteur de santé, à la lumière des orientations renouvelées relatives à la politique en matière de santé.
  • Participation aux SWAp: La Banque doit participer activement à des programmes faisant appel à l’approche sectorielle globale (SWAp) et même en initier dans le secteur de la santé. Pour faciliter ce processus, la Banque doit tirer parti de bonnes études économiques et sectorielles effectuées par elle-même ou par d’autres institutions. Des incitations devraient être mises en place pour favoriser l’utilisation d’analyses convenables par le personnel de la Banque. L’état de préparation des pays à s’engager dans les SWAp doit être analysé.
  • Dialogue sur les politiques, plaidoyer et partenariat : Sur la base des nouvelles politique et directives en matière de santé, la Banque devrait prendre les devants dans la dialogue sur les politiques avec les PMR, en s’appuyant sur des analyses économiques et sectorielles détaillées. Le personnel doit être récompensé pour sa contribution à la promotion effective de politiques nationales fondées sur l’expérience qui ont un impact sur l’état de santé de la population. De même, la Banque devrait renforcer son partenariat avec les autres partenaires au développement dans le secteur de la santé, en fonction des atouts de chaque organisation participante.
  • Investissements prioritaires : La Banque devrait augmenter son aide à des domaines d’importance stratégique choisis, en accordant une grande priorité à la formation du personnel sanitaire, au système de santé intégré, et en soutenant la santé génésique, en raison de l’importance de ces domaines, du peu d’attention qui leur est accordé par les bailleurs de fonds, ainsi que des possibilités qu’ils offrent d’obtenir des résultats qui puissent se démontrer. La Banque devrait formuler une stratégie de valorisation des ressources humaines dans le secteur de la santé, dans la mesure où celle en vigueur ne donne pas une orientation opérationnelle suffisante. Afin d’alléger le fardeau pour les clients, la stratégie devrait être harmonisée avec les ODM.
  • Financement du secteur privé : La Banque devrait entreprendre des études de faisabilité visant à explorer les possibilités de s’engager efficacement dans le financement de projets de santé dans le secteur privé. Instruite par l’expérience du projet Centre international de diagnostic d’Abuja, la Banque devrait s’assurer que tous les préalables d’ordre financier, juridique, institutionnel et en matière d’infrastructures sont remplis avant d’accorder tout appui à un projet, afin d’éviter des investissements risqués. La nouvelle politique de la Banque dans le secteur de la santé devrait définir les voies et moyens d’encourager le partenariat public-privé, en tirant parti des avantages comparatifs de chaque secteur.
  • Engagement des ressources : Il est recommandé que la Banque étudie la possibilité d’accroître l’appui financier aux interventions dans le secteur de la santé. Elle devrait envisager d’augmenter la taille moyenne des prêts à ce secteur, dans la mesure où le fardeau administratif, surtout pour les prêts non consentis dans le cadre des SWAp, s’avère être excessif. Les ressources peuvent être augmentées graduellement et en fonction de l’amélioration de la performance du portefeuille de la Banque et de l’adoption par celle-ci d’une approche stratégiquement axée sur la recherche de solutions aux problèmes du secteur de la santé.
  • Amélioration du portefeuille : Il est recommandé que la Banque mette rigoureusement en oeuvre des mesures d’amélioration du portefeuille, notamment celles touchant à la qualité initiale, à la qualité au stade de l’exécution et à la qualité à la fin de l’exécution 67 , en étroite collaboration avec les PMR, de manière à les encourager à jouer un rôle plus actif dans le cycle du projet. Priorité devrait être accordée aux études économiques et sectorielles afin de construire la base de connaissances et d’expériences pour l’amélioration de la pertinence et du positionnement stratégique des interventions de la Banque. Ceci permettra à la Banque d’élaborer des stratégies et des programmes de prêt plus appropriés pour les pays.
  • Gestion des projets axée sur les résultats : Travaillant en étroite collaboration avec d’autres partenaires au développement, la Banque devrait mettre au point un ensemble plus efficace d’outils qui peuvent suivre et démontrer les impacts des projets et des programmes non seulement sur les résultats finals mais également sur les résultats intermédiaires. Cela implique que la Banque doit prendre des mesures pour renforcer les systèmes d’informations sur la santé dans les PMR pour leur permettre de mettre en place des systèmes de suivi et d’évaluation adéquats pour collecter des informations fiables, y compris sur les résultats intermédiaires. Le système de motivation du personnel doit intégrer les activités de suivi et de supervision comme élément à pendre en compte dans l’évaluation de la performance du personnel. L’évaluation de la performance des supérieurs hiérarchiques doit porter notamment sur la cohérence, la qualité de l’autoévaluation et la performance réelle qui devrait bénéficier d’une revue par les pairs.
  • Efficience dans la gestion du personnel : La Banque devrait fournir un appui administratif au personnel technique et examiner la possibilité d’augmenter les profils et les niveaux actuels de dotation en personnel tant professionnel qu’administratif. Le personnel technique doit bénéficier d’une formation soutenue dans les techniques et méthodes de gestion des projets, notamment le cadre logique et les techniques de gestion axée sur les résultats. Il est également de la plus haute importance pour la Banque de s’assurer que les supérieurs hiérarchiques aient les compétences, les capacités et les incitations appropriées pour gérer dans l’optique de résultats durables sur le terrain, au lieu d’adopter des comportement tactiques dictés par les sollicitations internes et le souci d’éviter les risques inhérents à toute action novatrice. Il faudrait accorder suffisamment de temps aux revues par les pairs et tenir compte de cette activité dans le programme de travail et l’évaluation de la performance du personnel.