40 ans d’évaluation à la BAD : Souvenirs du personnel

Mercredi, 16 décembre, 2020
Evaluation Matters Edition: 
Q3 2020: Evaluation Week Special Edition

Cette année, IDEV célèbre 40 années d'évaluation à la Banque africaine de développement (BAD). Depuis la création de la première unité d’évaluation dédiée en 1980, l’évaluation fait désormais partie intégrante du fonctionnement de la Banque, de sa responsabilisation et de la manière dont elle apprend de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Ce qui n’était qu’une petite unité est devenu le Département d'évaluation des opérations (OPEV) et finalement la fonction d'évaluation indépendante du développement (IDEV) avec plus de 40 employés. Nous nous sommes entretenus avec certains membres actuels et anciens de l'équipe et leur avons demandé leurs réflexions sur leur passage à IDEV.

 

Quel a été le plus grand changement depuis que vous avez rejoint IDEV?

Mohammed Hefi Manai

Mohamed Hedi MANAÏ, ancien Chef de Division, IDEV

J'ai rejoint la Banque le 4 mars 1991 en tant que Chargé Supérieur d’évaluation au sein de ce qui allait devenir IDEV, le Département de l'évaluation des opérations (OPEV). Après avoir d'abord fait partie de la recherche et de la planification, relevant du Président dans les années 1980 et 1990, le département a changé sa ligne hiérarchique pour le Conseil d'Administration, par le biais de son Comité des opérations pour l'efficacité du développement (CODE), en 1996. En 2002, le mandat d'OPEV était clarifié par une directive présidentielle et en 2007, la première politique d'évaluation indépendante a été approuvée. Elle a souligné la pleine conformité de la fonction d'évaluation avec les normes internationales et les règles de bonne pratique dans les banques multilatérales de développement. Ce fut le plus grand changement depuis que j'ai rejoint la Banque, le département étant devenu structurellement indépendant.

 

Albert-Eneas Gakusi, Chargé d’Evaluation en Chef, IDEV

Pour moi, le plus grand changement a été la croissance du département en termes d'effectif et de composition : le nombre de femmes (cadres et personnel des services généraux), de consultants juniors et de jeunes collaborateurs. De plus, le département avait une structure horizontale où tout le personnel professionnel relevait du Directeur. Le département a été organisé en deux divisions seulement en 2009 (évaluation des projets et programmes et évaluation de haut niveau). En 2013, la division de la gestion des connaissances, de la dissémination et du renforcement des capacités a vu le jour, ce qui a permis aux activités et aux produits du département d'être plus visibles.

 

Joseph Mouanda, Chargé d’Evaluation en Chef, IDEV

Permettez-moi de parler d'un défi plutôt que d'un changement. Le plus grand défi depuis mon arrivée à la Banque a été de transformer la Banque en la faisant passer d'une culture d'approbation à une culture efficace axée sur les résultats. Depuis longtemps et à l'instar d'autres banques multilatérales de développement comme la Banque mondiale, et même après le rapport Knox de 1994 sur la qualité des projets (BAD) et le rapport Wapenhans de 1992 sur la mise en œuvre efficace (Banque mondiale), la quête de résultats au sein de la BAD reste un long voyage.

 

Foday Turay, ancien Chargé d’Evaluation en Chef, IDEV

Pour moi, le changement le plus visible est structurel: d'un petit département avec tout le personnel relevant du Directeur en 2005 à ce qu'il est aujourd'hui, un département avec une structure matricielle comprenant le bureau de l'évaluateur général et trois divisions avec des lignes claires de responsabilités. Le fait que la troisième Division se focalise sur la gestion des connaissances, la dissémination et le renforcement des capacités d'évaluation souligne l'importance que le Département accorde à la création d'une base de responsabilisation et à la promotion d'une culture d'apprentissage et d'évaluation à l'intérieur et à l'extérieur de la Banque.

 

2. Votre moment le plus mémorable ?

Mohamed Hedi MANAÏ, ancien Chef de Division, IDEV

Pour moi, les moments les plus mémorables ont été les efforts visant à développer les capacités d'évaluation dans les pays membres régionaux et le soutien fourni pour renforcer les systèmes et réseaux nationaux d'évaluation tels que l'Association africaine d'évaluation (AfrEA), les Centres pour l’apprentissage, l’évaluation et les résultats (CLEAR) , et d'autres initiatives telles que la Plateforme d'Evaluation pour les Institutions Africaines Régionales de Développement (PEIARD), le Réseau des parlementaires africains pour l'évaluation du développement (APNODE) et l'Initiative «Twende Mbele».

En 1990, la Banque, par l'intermédiaire d'OPEV, a organisé la première conférence sur l'évaluation, qui a attiré l'attention des gouvernements des pays en développement et des donateurs et a été suivie par d'autres conférences, réunions et sessions de formation dans d'autres parties du monde. Huit ans plus tard, en 1998, il était temps de faire le point sur ce que les gouvernements et les donateurs africains avaient accompli: un séminaire et un atelier régionaux sur l’évaluation ont eu lieu à Abidjan du 16 au 19 novembre 1998. Il a réuni des délégués de 12 pays africains, des donateurs et les professionnels du secteur privé. La conférence a souligné que la capacité d'évaluation dans un pays repose sur une demande réelle d'évaluation pour répondre aux besoins réels d'informations, sur des structures institutionnelles appropriées et sur la capacité du personnel d'évaluation à fournir les informations nécessaires de manière réactive, professionnelle et en temps opportun. Depuis lors, l'évaluation a été placée en tête des priorités des décideurs gouvernementaux, des donateurs, des organisations de la société civile et du secteur privé en Afrique.

Ruby Adzobu-Agyare, Secrétaire, IDEV

Il y en a un certain nombre mais le plus remarquable se situe autour de 1997-2000 lorsque nous avons travaillé ensemble en équipe de moins de 20 personnes et que tout le monde était accessible comme un « père » et ses « enfants » à la maison; peut-être à cause du petit nombre à l'époque.

Joseph Mouanda, Chargé d’Evaluation en Chef, IDEV

Le moment le plus mémorable a été celui où, en tant qu'assistant d'évaluation, dans le cadre d'un poste à court terme, j'ai remporté en 2005 le prix de la BAD pour le meilleur coordinateur Web. J'ai réalisé plus tard que j'avais la mentalité d'un « leader sans titre » et comme le dit le célèbre auteur Robin Sharma « les titres ne font pas des leaders ». 

Foday Turay, ancien Chargé d’Evaluation en Chef, IDEV

Il s’agit d’un problème soulevé par une mission de collecte de données d’évaluation de projet sur le terrain dans l’un des pays membres régionaux de la Banque. Le problème était ma tentative infructueuse d'engager, dans une évaluation de projet, un acteur clé du projet avec un pouvoir politique élevé et avec peu ou pas d'intérêt pour l'évaluation. Cette question m'a amené à réfléchir pendant longtemps à la meilleure façon d'engager de manière appropriée et significative les principales parties prenantes, en particulier les politiquement puissants, dans une évaluation. J'en ai conclu que nous devons (i) comprendre les typologies des différents types d'acteurs intervenant dans les évaluations de projets, (ii) développer une stratégie d'engagement appropriée pour chaque sous-groupe de parties prenantes, et (iii) comprendre le coût de mise en œuvre de chaque stratégie, parce que certaines des stratégies sont peu susceptibles d’être rentables.

 

3. Qu’est-ce que vous aimez le plus / ou avez le plus aimé dans le fait de travailler pour l’évaluation à la BAD ?

Eneas Gakusi, Chargé d’Evaluation en Chef, IDEV

La possibilité de mener des évaluations thématiques et sectorielles influentes dans différents domaines: santé, éducation, finance inclusive, intégration régionale, projets multinationaux et finance en général. Cela m'a donné l’occasion d’interagir avec les parties prenantes internes et externes de la Banque, de travailler dans différents pays et d’interroger diverses personnes, des bénéficiaires des communautés pauvres aux ministères.

Une leçon que j'ai apprise est qu'il peut souvent être utile pour l'évaluateur de proposer de recentrer ou d'élargir la portée de l'évaluation initialement demandée par l'entité habilitante (Direction, Conseil d'administration, toute autre partie prenante). Cela lui permet d'aborder les problèmes à résoudre tout en évaluant la conception, le processus de mise en œuvre ainsi que les résultats. La deuxième leçon consiste à combiner la collecte et l'analyse de données quantitatives et qualitatives, afin d'augmenter la fiabilité des résultats et de fournir un cadre plus large pour leur interprétation. La troisième leçon est que pour être influente, une évaluation doit aborder la question de savoir quand et comment les résultats peuvent être produits et utilisés le plus efficacement; il est essentiel d’étudier le contexte dans lequel les opérations et programmes de la Banque sont mis en œuvre.

Ruby Adzobu-Agyare, Secrétaire, IDEV

J'adore travailler dans l'évaluation parce qu'on y apprend à mieux connaître l'ensemble de la Banque en interagissant avec tous les niveaux. Cela élargit votre esprit et votre personnalité lorsque vous rencontrez différentes cultures en interne et en externe.

Joseph Mouanda, Chargé d’Evaluation en Chef

Travailler dans le département de l'évaluation me donne l'opportunité de dialoguer avec des personnes sur le terrain. C’est la seule façon de vraiment apprécier l’impact des interventions de la Banque et de découvrir les histoires inédites et les sentiments réels des gens. De plus, le fait que mon rôle d'évaluateur indépendant aide la Banque à apprendre et à améliorer ses opérations me procure une grande joie, car cela a un impact sur la vie des gens.

Foday Turay, ancien Chargé d’Evaluation en Chef, IDEV

Ce que j'ai le plus aimé, c'est l'espace disponible pour faire preuve d'innovation en rendant l'évaluation significative et utile pour le Conseil d'administration, la Direction et le personnel des opérations. Cet espace m'a permis de bâtir, tout en maintenant mon indépendance, des relations professionnelles de confiance avec mes collègues des complexes opérationnels et d'améliorer ma compréhension des défis, des opportunités et des perspectives de développement.  

 

Comment voyez-vous l’évaluation dans les 40 prochaines années: défis et opportunités ?

Mohamed Hedi MANAÏ, ancien Chef de Division, IDEV

Si des investissements considérables ont été réalisés par le département en matière de communication, la création d'une culture de l'évaluation au sein de la Banque reste un défi. Les instances dirigeantes et les complexes des opérations de la Banque doivent encore prendre des mesures accrues pour signaler leur engagement à utiliser efficacement les enseignements tirés de l’évaluation. La Banque doit promouvoir la pensée évaluative pour aider efficacement les pays à atteindre les objectifs de développement durable. Le renforcement des systèmes d'auto-évaluation et des activités de renforcement des capacités d'évaluation, ainsi que l'augmentation des évaluations en temps réel sont particulièrement nécessaires pendant cette pandémie, où des boucles de rétroaction serrées et courtes peuvent surmonter les conditions difficiles de confinement pour la mise en œuvre et l'utilisation d'évaluations de qualité. 

Eneas Gakusi, Chargé d’Evaluation en Chef, IDEV

Dans 40 ans, il est possible de supposer que la pratique de l'évaluation continuera à se développer, en utilisant de nouvelles théories, méthodes et nouvelles technologies de l'information, qui permettront de produire des évaluations en temps réel. L'avenir dépendra de la capacité de s'appuyer sur les réalisations accumulées. Il y aura continuellement différentes manières de gérer les évaluations: en s'appuyant sur la capacité interne du personnel, des consultants et un mélange des deux modalités. Je crois qu'à l'avenir, l'évaluation sera une discipline à part entière exercée par des experts diplômés en évaluation et disciplines connexes avec plus de compétences théoriques et techniques. Les pratiques de gestion et de développement seront beaucoup plus fondées sur des évaluations.

Ruby Adzobu-Agyare, Secrétaire, IDEV

Compte tenu des changements et des réalisations que je constate au cours des 40 dernières années seulement, l'évaluation sera l'un, sinon le domaine le plus sollicité de la Banque pour améliorer ses opérations. L'évaluation sera mieux comprise et intégrée dans toutes les opérations de la Banque..

Je suis très fière que nous soyons arrivés aussi loin en seulement 40 ans lorsque je regarde en arrière et que je vois comment était l'évaluation au moment où je suis entrée à la Banque. Longue vie à l'évaluation !!!

Joseph Mouanda, Chargé d’Evaluation en Chef

Au cours des 40 prochaines années, les algorithmes et la technologie numérique influenceront grandement le travail d'évaluation, et l'évaluateur jouera un rôle plus consultatif en plus de celui d'analyste, pour favoriser l'impact sur le développement.