Pourquoi pensez-vous que les institutions de développement doivent tirer des enseignements du suivi - évaluation ? Depuis le temps que nous le faisons, nous devrions sûrement déjà maîtriser tout ce qu'il faut savoir ?
Toute organisation performante doit apprendre en permanence. L'apprentissage n'est pas un événement ponctuel. Ce qu'il faut apprendre évolue, comme le monde réel. Plus important encore : si nous voulons opérer des changements, nous devons aussi mettre les leçons apprises en pratique. Le suivi nous fournit des informations en temps réel pour faciliter notre adaptation et, si nécessaire réorienter nos efforts. L'évaluation va plus en profondeur et examine non seulement comment nous nous en sortons, mais aussi les raisons pour lesquelles nous le faisons . C'est un rôle important.
Quels facteurs institutionnels (par exemple la structure et les hiérarchies de l'institution, l’appropriation, les relations avec les clients, etc.) permettent ou empêchent de tirer des enseignements des évaluations et comment ?
Bien entendu, plusieurs facteurs institutionnels entrent en jeu. Deux facteurs que vous n'avez pas mentionnés dans votre question sont le temps et les ressources. De nombreux membres du personnel souhaitent vivement tirer des enseignements des évaluations, mais il n'est pas toujours facile de trouver le temps nécessaire pour le faire. Cependant, les obstacles à l'apprentissage viennent aussi des évaluations elles-mêmes. L'évaluation porte-t-elle sur un sujet à propos duquel nous recherchons de nouvelles informations ? Est-elle réalisée à temps pour soutenir une nouvelle orientation ou stratégie ? Est-elle crédible, c'est-à-dire de qualité suffisante, basée sur des preuves solides et offrant des recommandations pratiques susceptibles d'aider à résoudre les problèmes constatés ?
Dans une institution, une culture de l'apprentissage implique-t-elle automatiquement une culture de l'évaluation ?
Pas nécessairement. La culture de l'évaluation est plus spécifique du point de vue de l'apprentissage, mais peut également impliquer des aspects autres que l’apprentissage. Les évaluations ont souvent été bien plus axées sur la redevabilité que sur l'apprentissage, même si sur le papier elles visaient à couvrir les deux. L'accent qui est actuellement mis sur la notation, même aux niveaux du secteur, du pays et du thème peut détourner l'attention de l'objectif d'apprentissage, car la discussion porte inévitablement là-dessus. Si l'évaluation doit vraiment viser l'apprentissage, elle doit se concentrer sur ce qui a fonctionné, ce qui n'a pas fonctionné et pourquoi, ainsi que sur ce que nous devons faire différemment.
Comment peut-on convaincre le personnel de considérer l'évaluation comme un processus bénéfique conduisant à l'amélioration du travail de la Banque, plutôt que comme un mal nécessaire ?
Je crois que c'est Winston Churchill qui disait « Je suis toujours prêt à apprendre, mais je n'aime pas toujours qu'on me donne des leçons ». Je pense que les évaluateurs sous-estiment parfois l'importance que l'organisation attribue à l'évaluation et à l'apprentissage en général. Le personnel est intéressé et veut être impliqué autant dans l'apprentissage que dans la production des connaissances. Oui, les gens peuvent avoir du mal à l'adapter à leur emploi du temps chargé, mais selon mon expérience, si l'évaluation est de haute qualité et réalisée au bon moment, le personnel y trouve certainement son compte. Souvent, une bonne évaluation trouve un écho favorable auprès de ceux qui relèvent certains défis au quotidien ; ils apprécient qu'une tierce partie ait pris le temps d'examiner, de réfléchir et de proposer des solutions possibles. Cela peut également permettre l'obtention de réponses qu'ils savent nécessaires, mais qu’ils n’ont pas pu trouver eux-mêmes.
Selon vous, vers quelles tendances ou orientations des organisations telles que la BAD se dirigent-elles à mesure que l'apprentissage institutionnel évolue, notamment en matière d'apprentissage et de gestion des connaissances ? Quel serait le rôle de l'évaluation dans ces changements ?
Nous sommes tous des champions du numérique maintenant, n'est-ce pas ? L'apprentissage en ligne, les ateliers, les séminaires, etc. sont importants, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Pour le personnel chargé des opérations à la BAD, nous investissons dans la formation en ligne, mais cela doit être complété par le type de discussion qui sollicite un apprentissage plus large. Et surtout, le véritable apprentissage se fait non pas par la parole, mais par les actes. Comme le disait Benjamin Franklin : « Dis-moi et j'oublierai, enseigne-moi et je me souviendrai, implique-moi et j'apprendrai » . Cela est vrai. Le meilleur apprentissage, c'est la pratique.
Mais l'évaluation peut mettre en évidence des données importantes et dégager des enseignements spécifiques des expériences passées. Il est essentiel d'axer ces enseignements sur des questions spécifiques (en évitant les enseignements très génériques) et de les diffuser à un public adéquat et bien ciblé.