Cameroun: Evaluation de l’assistance du groupe de la banque au secteur du transport, 1996-2004

Date: 04/03/2008
Type: Évaluation de stratégies et programmes pays
Country(ies): Cameroun
Secteur(s): Infrastructure » Transport
Statut: Achevé(e)
Ref.: CA10006

Evaluation Team

Le présent rapport a été élaboré par M. P.A ROCHON, Chargé Principal d’Evaluation et M. Idir KENDEL, Consultant, à la suite d’une mission effectuée au Cameroun du 12 au 30 mars 2007. Toute question relative au rapport devra être adressée à M. H. RAZAFINDRAMANANA.

Objective

L’objectif de l’étude est l’évaluation de l’assistance du Groupe de la Banque au Cameroun dans le secteur du Transport, ainsi que son impact sur le développement du pays, pour la période allant du 01/01/1996 au 31/12/2004. Le but est de voir si les interventions de la Banque ont atteint leurs objectifs, si les ressources allouées ont été judicieusement utilisées
et si les instruments financiers utilisés ont été les plus adéquats. La contribution de la Banque dans ce secteur constitue une composante de l’assistance au Cameroun, à laquelle contribuent aussi d’autres bailleurs de fonds, multilatéraux et bilatéraux. Cette évaluation mesure la performance de la Banque, en mettant en exergue les éléments sur lesquels elle a la capacité d’agir, en se basant sur la pertinence de ses stratégies, sur la définition et la supervision des projets financés, sur la compatibilité des instruments hors prêt qu’elle a utilisé en combinaison avec les projets financés par prêt, sur les résultats des projets sur le développement du pays et enfin sur le niveau de coordination qu’elle a entretenu avec ses autres partenaires bailleurs.

Main Findings

  • Le Cameroun a le 2éme plus grand réseau bitumé et le 2éme plus grand réseau principal des pays de la CEEAC, avec un taux de revêtement de 22 % (moyenne CEEAC de 15 %). Mais, sur les 10 régions que compte le pays, 3 d’entre elles concentrent 75 % du trafic moyen journalier, mais ne sont dotées que de 37 % du réseau bitumé. Les dépenses de transport constituaient 4,7% du budget des populations, soit presque autant que leurs dépenses de santé (5,7%). Selon les enquêtes officielles, 26 à 34 % des charges de transport viennent du racket des agents des services de sécurité sur les routes.
  • A la fin de l’année 2004, les engagements cumulés du Groupe de la Banque dans le transport au Cameroun depuis 1972, représentaient 37 % de ses engagements totaux cumulés sur 33 ans, soit un taux supérieur à la moyenne de ses engagements dans ce secteur en Afrique (17 %). Le DSP 1996- 1998 n’avait prévu aucune opération dans le Transport et c’est dans le DSP 1999-2001, que ce secteur réapparaît et le DSP 2002-2004 maintient lui aussi le secteur Transport dans la stratégie de la Banque, après de larges consultations avec la Société civile camerounaise.
  • Les 3 projets financés s’inscrivaient dans le cadre des Programmes de développement du Cameroun et dans la politique et les stratégies de la Banque. En plus de leur inscription dans le Programme sectoriel transport (PST) du Cameroun, plus de 35 études ont servi de base à l’évaluation de ces projets. La pertinence et la qualité à l’entrée de l’assistance de la Banque étaient donc très satisfaisantes, contrairement à leur efficacité et leur efficience, puisque tous ces projets ont connu plus de 2,5 ans de retard et ont vu leurs coûts de partie locale revus à la hausse. L’assistance de la Banque a eu des impacts sur le développement des deux Agences d’exécution, en élargissant leur expérience à l’exécution de projets intégrés d’infrastructures à forte dimension sociale, que la Banque a été la première à initier au Cameroun. Même si les impacts institutionnels issus d’actions collectives soient difficiles à quantifier, la Banque a renforcé les actions du Comité des Bailleurs (CMB) et l’ouverture de sa Représentation régionale de la Banque au Cameroun devrait renforcer encore cette assistance.
     
  • L’augmentation des budgets du Fonds Routier et la grande expérience de la CNIC dans les grands chantiers navals, font que la durabilité de ces opérations reste très probable. Sur le plan social et de l’égalité du genre, la performance de la Banque est satisfaisante. L’effet sur le développement du secteur privé est peu satisfaisant. L’une des deux routes a considérablement renforcé l’intégration économique (Cameroun, Gabon et Guinée Equatoriale) et constitue un vecteur de dynamisation de leurs échanges. La réparation de tankers et de plateformes pétrolières du Golfe de Guinée renforcera aussi la coopération dans la région. Sur le plan de l’engineering financier, c’est pour le projet enclave que la Banque a répondu à la proposition de cofinancement, via le Guichet BAD. Les 2 instruments financiers utilisés (FAD, BAD) étaient donc bien adaptés et permettaient à la Banque d’augmenter ses engagements au Cameroun, même s’il lui avait fallu solliciter la non objection du FMI.
     
  • La gestion du patrimoine routier fait intervenir plusieurs acteurs, sans que la cohérence des décisions ne soit bien assurée. Ceci a amené le Gouvernement en 2005, à créer le Conseil National de la Route, en tant qu’instance de coordination des programmes d’infrastructures routières. En plus des difficultés récurrentes de gestion des projets et de la mobilisation de la contrepartie locale, les 2 projets routiers financés ont été amputés par le Maître d’ouvrage des 174 km de pistes agricoles, alors que cette vision avait été bien accueillie lors de la préparation des DSP. La performance de l’Emprunteur est donc peu satisfaisante et tire même la performance de la Banque vers le bas. Malgré cette donnée qui lui échappe, la performance de l’assistance de la Banque reste satisfaisante.

Main Lessons

  • La Banque a fait preuve d’une insuffisante appréciation du rôle des ouvrages connexes et de l’avantage comparatif qu’ils procurent à la qualité de son assistance. Elle n’a pas ainsi cherché à maîtriser leur réalisation effective, en les laissant sous la seule responsabilité de l’Emprunteur, qui a eu des difficultés à mobiliser les ressources du BIP et du PPTE, alors que ces ouvrages intégrés étaient fortement attendus par les populations. Le fait que les DSP ne mettent pas l’accent sur cet avantage, fait que cette innovation n’apparaît pas comme un choix stratégique et une option irréversible.
     
  • Le Transport a des effets structurants, mais la Banque n’a pas su utiliser l’instrument FAT et exploiter les travaux des autres bailleurs, pour constituer un pipeline de projets potentiels, avec le secteur privé, alors que les DSP successifs proposaient de manière récurrente l’identification de projets enclaves et d’opérations avec le privé. Les opérations financées par la Banque ont montré qu’il est possible de réaliser de manière cohérente des infrastructures, en même temps que des écoles, des centres de santé, des centres culturels et des petits projets agricoles viables. Cette vision innovatrice pourrait donc permettre à la Banque de se forger une image de bailleur préférentiel, lorsqu’il s’agit d’infrastructures à forte incidence sociale et permettant d’atteindre les ODM, avec un investissement optimisé, une meilleure performance de l’assistance et une moindre déperdition des efforts de suivi.
  • Le Cameroun vise une densité routière globale élevée, alors que 3/4 de son trafic routier est concentré sur seulement 3 régions (sur 10) qui comptent à peine 1/3 du réseau bitumé national. L’Emprunteur risque ainsi de mal orienter et de mal pondérer ses choix d’investissements, aboutissant ainsi à des ouvrages qui risquent d’être sousutilisés. Une telle stratégie affecterait non seulement la performance de l’Emprunteur, mais tirerait aussi la performance de la Banque vers le bas.

Main Recommendations

Recommandations à la Banque  :

  • La Banque devrait éviter les petits projets et orienter sa stratégie vers le financement de projets infrastructurels intégrés et intégrateurs, qui procurent un avantage comparatif à son assistance, par rapport à celles des autres bailleurs. Par ailleurs, le moyen de ne pas compromettre la valeur ajoutée procurée par cet avantage aux projets qu’elle finance, serait que la Banque inclue leur coût dans la part qu’elle finance et qu’elle leur donne autant d’importance qu’elle en accorde à l’ouvrage principal, afin de ne pas les laisser subir les aléas de disponibilités de la contrepartie locale.
  • La Banque devrait utiliser le FAT pour étudier l’opportunité de créer un Technopole industriel et technologique sur le site du CNIC. Cette agglomération technologique serait orienté vers l’industrie navale et pétrolière et pourrait donner naissance à un tissu de PME versées dans la sous-traitance. L’ONUDI ayant déjà financé une étude sur les Pépinières d’Entreprises au Cameroun, cette démarche de la Banque constituerait aussi un moyen indirect d’atténuer le risque du projet CNIC et de renforcer la compétitivité et la durabilité de ce grand projet enclave.
  • La Banque devrait mener des études de pertinence qui lui permettraient de sélectionner les priorités absolues du pays, pour ne retenir que les opérations qui ont les plus fortes complémentarités intersectorielles. Les DSP devraient donc être très sélectifs, en termes de ciblage des secteurs et des branches, mais aussi des projets, tout en prenant en compte leur pouvoir intégrateur, leurs complémentarités et leur capacité d’action sur la matrice d’activités économiques et sur la croissance. Pour ce qui est du transport terrestre, le pays devrait plutôt orienter ses projets en priorité vers les 3 régions où se concentre le trafic routier, avant de songer à une densification égalitariste.