Gestion de l’Eau pour l’Agriculture Évaluation de l’aide de la Banque africaine de développement au Ghana et au Mali 1990 - 2010

Date: 31/05/2012
Type: Évaluation thématique
Secteur(s): Agriculture et agro-industrie
Thème(s): Société civile
Statut: Achevé(e)
Ref.: TR10009

Evaluation Team

Le rapport a pour but d’évaluer les expériences antérieures, de tirer des leçons et de formuler des recommandations visant à faire reposer les futurs investissements de la Banque dans ce sous-secteur. Le présent rapport a été préparé par Guy Blaise Nkamleu chargé principal de l’évaluation (OPEV), avec des contributions appréciables d’Ignacio Tourino (chargé supérieur de l’évaluation), Peter Bisset (Consultant), Biyi Daramola (Consultant), Njankoua Wandji (Consultant), SCET-Tunisie (Cabinet-conseil). Akua Arthur et Galoul Manel ont apporté leur assistance en matière de recherche dans le cadre de la collecte des données destinées à l’analyse du portefeuille. Keith Pitman et Victor Manyong (Consultants) ont été les pairs évaluateurs du rapport. Des commentaires et discussions avec des collègues du Département de l’agriculture et de l’agro-industrie (OSAN) sur des questions de fond ont été bénéfiques pour la revue. La rédaction définitive du rapport a été supervisée par Franck Perrault, Directeur par intérim OPEV, et Odile Keller, Chef de Division, OPEV. 

Objective

L’évaluation vise à faire le bilan des  expériences passées, à en tirer des leçons et à formuler des recommandations pour servir de base et orienter futurs investissements dans le sous-secteur et les orienter. Le rapport évalue la pertinence, l’efficacité et la durabilité de l’assistance de la Banque en faveur de l’hydraulique agricole au Ghana et au Mali. Les résultats, conclusions et recommandations de l’évaluation sont basés sur une série de revues documentaires, et sur des entretiens et discussions avec les responsables des pays, le personnel des projets et d’autres partenaires au cours des voyages dans les pays et les visites sur les sites des projets.

 

Main Findings

  • L’analyse documentaire a porté l’attention sur les questions liées à l’hydraulique agricole, en se référant particulièrement à l’Afrique. Au moins trois problèmes génériques s’en dégagent: i) La médiocrité des politiques et des institutions est encore considérée comme le goulet d’étranglement du secteur de l’hydraulique agricole en Afrique, et il convient de changer fondamentalement les mécanismes institutionnels et les pratiques de gestion pour relever les défis auxquels ce sous-secteur est confronté ; ii) L’investissement dans l’irrigation coûte cher et sa mise en oeuvre est très onéreuse en Afrique, plus particulièrement en Afrique subsaharienne. Le coût élevé de l’investissement dans l’irrigation, associé à la faible productivité des terres irriguées, a de graves implications sur la lutte contre la pauvreté et la viabilité économique des projets en Afrique. iii) Les lacunes en matière de planification et de mise en oeuvre semblent figurer parmi les principales causes des résultats décevants de l’hydraulique agricole en Afrique. En particulier, le suivi-évaluation des projets d’investissement dans l’hydraulique agricole en Afrique subsaharienne a souvent été jugé médiocre, et il a probablement eu un impact négatif sur les résultats des projets.
  • L’analyse du portefeuille, couvrant la période 1990-2007, a identifié 217 opérations d’hydraulique agricole don’t les approbations s’élevaient à 3,447 milliards de dollars. Par comparaison, les approbations de l’agriculture (à l’exclusion de l’eau) se chiffraient à 3,536 milliards de dollars pour 300 opérations. Le Fonds africain de développement (FAD) a apporté 84% du financement. Il ressort de la revue du portefeuille que 8 pays (Maroc, Tunisie, Ghana, Nigéria, Mali, Malawi, Kenya et Éthiopie) ont bénéficié d’environ 50% de tout le financement. En général, la région de l’Afrique de l’Ouest est le principal bénéficiaire de prêts reçus au titre l’hydraulique agricole. Globalement, le financement de l’hydraulique agricole s’est accru au cours de la période 1996-2001, mais depuis lors, il s’est réduit, en dépit d’une augmentation des opérations d’hydraulique agricole effectuées dans plusieurs pays ainsi qu’à l’Est du continent.
  • Les revues des sous-secteurs par pays et l’évaluation des projets au Ghana et au Mali ont révélé que la Banque africaine de développement a été l’une des principales sources d’aide à ces deux pays en matière d’hydraulique agricole durant la période 1990-2010. Au Mali, 16 opérations de la Banque avaient une composante liée à l’hydraulique agricole, dont 10 projets, 5 études et une ligne de crédit. Sept de ces projets portaient essentiellement sur l’hydraulique agricole, mais celle-ci était une composante marginale dans trois projets. Au Ghana, 9 opérations d’hydraulique agricole ont été effectuées, dont 7 projets et 2 études. Les deux études et 3 des projets portaient essentiellement sur l’hydraulique agricole. Les investigations effectuées dans les deux pays ont abouti aux conclusions suivantes en ce qui concerne les critères d’évaluation:

Main Lessons

  • Les projets d’hydraulique agricole, pour être exécutés de manière satisfaisante, doivent modifier certains aspects des mécanismes sociaux et culturels. Afin que les agriculteurs tirent parti des opportunités offertes par l’irrigation, il est très souvent nécessaire de modifier les systèmes agricoles, les conditions d’accès à la terre et les modes d’organisation sociale. Au Ghana et au Mali, les agriculteurs ont dû élaborer de nouvelles stratégies coopératives et concurrentielles (Moyen-Bani au Mali, SSIDP au Ghana). Un cadre favorable devrait exister pour supporter les changements. Les projets d’hydraulique agricole doivent intégrer un processus d’apprentissage pour appuyer ces changements 
  • Le succès de l’introduction d’un processus de changement complexe est étroitement lié au bon enchaînement des activités du projet. Généralement, les projets d’hydraulique agricole ont plusieurs phases intimement liées ; les travaux de génie civil sont liés à la formation, à la création d’associations d’utilisateurs, à la fourniture d’intrants et à l’octroi des crédits. L’exécution tardive des travaux de génie civil, lorsque les activités évoluent de manière concomitante, peut entraîner l’épuisement du budget prévu pour la formation et autres avant même la livraison des travaux de génie civil. De plus, l’engagement des bénéficiaires peut être limité parce que ceux-ci ne sont pas convaincus que les projets seront achevés un jour. Si les autres activités sont retardées pour attendre la fin des travaux de génie civil, le projet pourrait s’achever avant le début des activités (plusieurs projets dans les deux pays).

Main Recommendations

Recommandation(s) à la Banque :

  • La Banque doit engager davantage de ressources dans des études économiques et sectorielles de qualité, opportunes et pertinentes, afin de contribuer à la réflexion stratégique au niveau des pays et d’améliorer la qualité de ses projets d’hydraulique agricole. La Banque devrait faire preuve de plus de créativité dans l’élaboration des stratégies nationales, l’orientation des politiques gouvernementales, son rôle de partenaire critique et le suivi de l’évolution de la recherche et des innovations dans ce secteur. Les questions techniques et socioéconomiques essentielles à examiner englobent la cartographie pédologique et les enquêtes hydrologiques, l’économie de la culture pluviale par opposition à la cultureirriguée, le choix entre l’irrigation à grande échelle et l’irrigation à petite échelle, la responsabilité de gérer des terres irriguées et le rôle des grandes entreprises par rapport à celui des petits exploitants. Au niveau des projets, il convient de mobiliser suffisamment de ressources pour les études de faisabilité, afin de procéder à une évaluation élargie des risques et des opportunités, et de comprendre les changements requis pour maximaliser les effets bénéfiques du projet. 
  • La Banque devrait collaborer davantage avec divers partenaires, notamment les autorités, les donateurs, le secteur privé et les petits exploitants, à l’échelle nationale et locale, pour s’assurer de la mise en place d’un cadre propice à la maximalisation des avantages de ses opérations. Les questions telles que le règlement de litiges fonciers liés à l’hydraulique agricole, la création de groupes d’utilisateurs de l’eau et l’implication du secteur privé, devraient figurer au centre du dialogue et de l’engagement. La stratégie de sortie de la Banque doit être élaborée dès le début du projet, en étroite collaboration avec les différents intervenants, afin de les encourager à prendre la relève dès la fin de l’appui de la Banque. Grâce à la nouvelle Stratégie pour le secteur agricole de la Banque, les futurs projets d’hydraulique agricole ne porteront que sur les infrastructures, tandis que les autres composantes seront confiées à d’autres partenaires. La capacité à identifier des partenaires stratégiques sera déterminante à cet égard.
  • La Banque devrait accorder plus d’attention aux politiques et aux institutions, tout en renforçant les capacités de gestion interne des organismes connexes à la GEA. La politique pour le secteur agricole de la Banque reconnaît que la faible capacité institutionnelle à assurer la gestion et l’entretien des structures d’irrigation en place constitue le principal problème de l’hydraulique agricole. Les besoins de renforcement des capacités en matière d’hydraulique agricole devraient également aller au-delà des individus pour couvrir les problèmes plusgénéraux des organisations au sein desquelles les individus travaillent, ainsi que le cadre socioéconomique dans lequel les individus et les organisations évoluent.
  • La Banque devrait faire preuve de plus de réalisme en ce qui concerne les résultats escomptés, le temps nécessaire pour la mise en oeuvre et les conditions requises pour assurer la durabilité de ses opérations d’hydraulique agricole. À cet effet, il faudra prendre en compte les expériences des opérations antérieures pour définir les résultats attendus et établir le calendrier de mise en oeuvre. Pour ce qui est de la durabilité des interventions de GEA , la Banque ne devrait pas seulement mettre l’accent sur le recouvrement des coûts, mais également réexaminer la rationalité des projets d’hydraulique agricole, notamment le choix du riz comme culture cible de la majorité des projets de GEA.
  • La Banque devrait améliorer ses techniques de contrôle de la qualité et son rôle de facilitateur, afin de garantir la qualité et la bonne mise en oeuvre des opérations. En particulier, la Banque devrait procéder à une véritable évaluation des capacités dès le lancement des projets, et assurer une formation appropriée et opportune des responsables nationaux compétents sur les procédures. Les projets et/ou les contrats distincts de travaux de génie civil devraient être conçus avec plus de flexibilité et de réactivité. La Banque devrait également améliorer ses missions de contrôle en termes de composition et de durée, ce qui implique le recrutement de plus de personnel spécialisé et/ou le recours plus fréquent à sesbureaux extérieurs.
  • La Banque devrait accorder plus d’attention au S&E des projets et intégrer les enseignements tirés dans la conception des projets. Il s’agit également d’améliorer la recherche documentaire et la collecte des données sur les projets. Au regard de la récente évaluation de la supervision des projets, le système SAP devrait être révisé pour assurer une meilleure fiabilité des données de la supervision, et faire des informations de S&E une ressource susceptible d’être utilisée par l’emprunteur et par la Banque. La Banque devrait envisager d’appuyer le renforcement des capacités nationales de S&E ainsi que les plans directeurs de développement de l’irrigation à moyen et long terme.