L’agriculture africaine vers des partenariats ciblés

Date: 01/04/2010
Type: Évaluation sectorielle
Secteur(s): Agriculture et agro-industrie
Statut: Achevé(e)
Ref.: SR10005

Evaluation Team

Evaluation team
Responsabilité générale
Colin Kirk, Directeur du Département de l’évaluation des opérations (BAD)
Luciano Lavizzari, Directeur du Bureau de l’évaluation (FIDA)

Lead evaluators and evaluation coordinators
Ashwani Muthoo, Assistante de recherche (BAD)
Detlev Puetz, Chargé d’évaluation principal (BAD)
Andrew Brubaker, Chargé d’évaluation (FIDA)
Joint evaluation secretariat
Linda Danielsson, Assistante administrative (FIDA)
Akua Arthur-Kissi, Assistante de recherche (BAD)
Senior independent advisers
Robert Picciotto
Per Pinstrup-Andersen
Seydou Traoré

Objective

L’évaluation conjointe avait quatre objectifs : i) déterminer la pertinence des politiques et des activités de la BAD et du FIDA dans le secteur de l’agriculture et du développement rural en Afrique au regard des défis actuels et des nouvelles problématiques ; ii) évaluer leurs performances et leur impact ; iii) évaluer les partenariats stratégiques que le FIDA et la BAD ont noué entre eux ou avec d’autres acteurs du secteur ; et iv) analyser les causes immédiates des performances et de la pertinence du FIDA et de la BAD dans le secteur et formuler des recommandations visant à renforcer l’efficacité de leurs interventions, y compris par des partenariats. L’équipe d’évaluation conjointe avait pour tâche d’examiner les activités passées et actuelles tout en restant tournée vers l’avenir, puisqu’elle a formulé des recommandations quant aux moyens que les deux organisations devaient mobiliser pour répondre à un environnement en évolution constante, compte tenu de leurs objectifs stratégiques et de leurs avantages comparatifs.

Main Findings

L’évaluation met en relief les nombreux défis que l’Afrique doit relever dans le domaine de l’agriculture et du développement rural. Elle souligne également que ce continent dispose d’extraordinaires ressources naturelles et que son agriculture a le potentiel de contribuer de manière substantielle à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté et de la faim. Le rapport attire en outre l’attention sur l’importance du leadership africain dans l’élaboration de politiques claires et la mise en place d’institutions solides dans le secteur agricole. L’équipe d’évaluation a conclu que la BAD et le FIDA jouaient des rôles distincts mais complémentaires et que leurs interventions, séparées ou conjointes, étaient tout à fait pertinentes par rapport aux besoins actuels et futurs de l’Afrique en matière d’agriculture et de développement rural. Pour renforcer leur contribution, elles doivent avant tout tenter de combler les lacunes en matière de politiques sectorielles.

L’évaluation conjointe attire particulièrement l’attention sur la complexité du contexte d’intervention. Les efforts déployés en faveur du développement de l’Afrique doivent tenir compte de sa très grande hétérogénéité, non seulement sur les plans géographique et agro-écologique, mais également social, culturel, politique et économique.

Main Recommendations

Recommandation(s) à la Banque et au Co-financier:

  • Aux niveaux régional et infrarégional, accroître l’appui au CAADP pour lui permettre de s’acquitter de son mandat, et produire une déclaration conjointe d’appui à ce programme. Le CAADP énonce un cadre d’orientation clair et complet pour l’agriculture et le développement rural en Afrique (des actions que l’Afrique dirige et s’approprie). Le FIDA et la BAD devraient publier une déclaration conjointe affirmant leur appui sans réserve au CAADP, et s’assurer que leurs politiques et leurs opérations sont explicitement alignées sur les piliers de ce programme. 
  • Au niveau national, aider le gouvernement et les autres parties prenantes à élaborer des politiques de développement agricole et rural judicieuses, axées sur les résultats. Ces politiques devraient refléter les besoins et la conjoncture du pays, reposer sur une analyse sectorielle approfondie et être alignées sur le cadre d’orientation du CAADP, entre autres l’engagement d’affecter 10 pourcent du budget national à l’agriculture et le taux de croissance annuelle cible de 6 pourcent pour le secteur, conformément à la Déclaration de Maputo. Étant donné que les possibilités et les obstacles varient selon le pays, le FIDA et la BAD devraient, en collaboration avec d’autres acteurs, contribuer au renforcement des connaissances nationales qui servent de fondements aux politiques sectorielles du pays et promouvoir une réforme là où il n’y a pas encore de politique judicieuse.
  • Au niveau national, appuyer les efforts de coordination et d’harmonisation au niveau sectoriel et aligner les stratégies et les programmes de la BAD et du FIDA sur le cadre d’orientation national dans la mesure du possible. Une approche qui confie les leviers de commande au pays impose aux deux institutions d’aligner leurs stratégies et programmes sur les priorités nationales lorsqu’elles sont appropriées et, dans la mesure du possible, de soutenir l’élaboration de stratégies d’aide conjointe aux secteurs sous la direction des autorités nationales. Cette approche devrait contribuer à accroître la pertinence des stratégies de pays, notée comme insuffisante par l’équipe d’évaluation. La BAD et le FIDA devront se montrer sélectifs et se concentrer sur les sous-secteurs et les thèmes correspondant à leurs spécialisation et avantages comparatifs respectifs. L’évaluation indiquent que les deux institutions doivent accorder plus d’importance aux investissements dans les activités hors prêt, entre autres le dialogue économique, l’établissement de partenariats et la gestion du savoir, ainsi qu’à la diffusion et à l’application à plus grande échelle des innovations qui ont démontré leur intérêt. Elles devraient aussi user de leur influence pour accroître la participation des acteurs de la société civile et du secteur privé dans le dialogue sur les politiques. 
  • Au niveau international, acquérir les connaissances et les capacités nécessaires pour être en mesure de participer aux discussions sur le commerce international et y défendre les intérêts des producteurs africains. L’évaluation a noté que le régime commercial international en vigueur fragilisait l’agriculture en Afrique. Les deux institutions n’ont qu’une expérience limitée dans ce domaine, qui revêt pourtant une importance cruciale pour ce secteur. En conséquence, les deux organisations doivent définir leurs positions respectives en la matière et aider les pays emprunteurs à renforcer leur capacité de négociation dans les discussions sur le commerce international. En outre, toutes deux, mais surtout la BAD, devraient engager avec les pays africains un dialogue sur la taxation des produits agricoles à l’exportation
  • Améliorer les compétences, les connaissances et les capacités dans les domaines de l’élaboration des politiques, de l’analyse et de la gestion du savoir et des partenariats en vue de renforcer la pertinence et l’efficacité de leurs stratégies et interventions. Pour donner suite aux recommandations ci-dessus en matière de politiques et à la performance, il faut d’autres compétences et des connaissances que celles limitées à la gestion de projets. De nombreux domaines demandent des compétences susceptibles de prendre en compte la dimension genre dans l’analyse et la planification. La BAD et le FIDA devraient identifier des sous-secteurs et thèmes où développer leurs connaissances et leur savoir-faire, et établir des partenariats de « partage des connaissances » avec d’autres institutions, y compris la FAO et la Banque mondiale dans les autres domaines. Ces recommandations ont une incidence sur le perfectionnement, le déploiement et le recrutement du personnel.
  • Apporter un appui plus substantiel à l’agriculture et au développement rural dans les États fragiles, en veillant attentivement au choix et à l’agencement des modalités de l’aide. La BAD et le FIDA sont déterminés à soutenir davantage les États fragiles, lorsque la croissance de l’agriculture et l’appui aux moyens d’existence en milieu rural peuvent jouer un rôle déterminant. Lorsqu’ils coordonnent leurs actions avec d’autres acteurs, ils doivent faire en sorte que l’aide en faveur des États fragiles soit fournie selon des approches flexibles et susceptibles de s’adapter à l’évolution des besoins locaux, et utilise avec efficacité une gamme d’instruments d’aide. La fourniture bien ciblée et en temps opportun de l’assistance technique et des mesures de renforcement des capacités devrait être complétée par des investissements plus substantiels lorsque les circonstances locales le permettent.
  • Renforcer la présence dans les pays. Pour promouvoir une approche privilégiant la conduite des actions par le pays dans le secteur de l’agriculture et du développement rural, il faudra une présence efficace dans les pays, accompagnée d’une délégation de pouvoirs, de ressources et du détachement de personnel d’un rang suffisamment élevé pour être capable de participer au dialogue sur les politiques aux divers niveaux de gouvernance. Ce renforcement de la présence aura entre autres avantages l’amélioration des diagnostics et des analyses, notamment une meilleure compréhension du contexte, avec pour résultat une meilleure gestion des risques et de meilleurs résultats sur le terrain tant pour les investissements que pour les activités hors prêt. Dans le souci de renforcer la collaboration sur le terrain, la mise en commun des ressources et le partage des bureaux pourraient être testés à l’échelon des pays.
  • Financer des projets et des programmes plus simples et mieux ciblés, entrepris dans le cadre de plans sectoriels coordonnés et axés sur les résultats. Dans nombre de zones rurales, la population est confrontée à des obstacles difficiles à surmonter et souffrent de nombreux désavantages. Face à ces différents besoins, les organismes de développement ont souvent répondu par des projets à composantes multiples. Or, la plupart de ces projets s’avèrent complexes et difficiles à exécuter et, en général, ne donnent pas de bons résultats. En coopération avec les gouvernements partenaires, la BAD et le FIDA ont récemment commencé à préparer et à lancer des projets caractérisés par une conception plus simple et ciblés avec plus de précision, destinés à être complétés par d’autres interventions au sein d’un cadre coordonné reflétant une division du travail fondée sur l’avantage comparatif. Les deux institutions devraient poursuivre cette approche, en y intégrant une analyse détaillée des risques. L’efficacité des opérations financées par les deux organisations et la soutenabilité de leurs résultats doivent faire l’objet d’une attention prioritaire. 
  • Aider les gouvernements à évaluer les capacités requises dans le secteur de l’agriculture et du développement rural, y compris des diagnostics des mécanismes institutionnels, et leur fournir un appui substantiel en matière de renforcement des capacités et de développement institutionnel. L’équipe d’évaluation a constaté que les gouvernements n’ont pas de capacités suffisantes pour mener à bien les projets et les programmes et pour assurer la soutenabilité de leurs retombées. Vu le nombre de parties prenantes et d’institutions rurales, il n’est pas rare que la capacité des autres acteurs du secteur soit également limitée. La formation par elle-même suffit rarement pour combler ces lacunes. Dans bien des cas, la solution exige un renforcement des institutions et une réforme du secteur public. Il convient d’axer les efforts non seulement sur la gestion des programmes, notamment le S&E, mais aussi sur la formulation et la mise en oeuvre des politiques. 
  • Plus spécifiquement, aider les gouvernements à se doter des capacités nécessaires à la décentralisation politique et administrative. Lorsque la gouvernance est décentralisée, l’affectation de personnel et de ressources aux administrations locales se traduit souvent par une fragmentation des capacités disponibles qui compromet gravement la réussite des actions de développement rural. La BAD et, en particulier, le FIDA doivent aider les gouvernements à gérer le processus avec efficacité et à renforcer les capacités là où le besoin s’en fait sentir. 
  • L’égalité des sexes est un autre domaine où les emprunteurs enregistrent des faiblesses. À cet égard, le FIDA et la BAD devraient commencer à travailler en étroite collaboration avec les gouvernements et les autres parties prenantes de certains pays pour poser des diagnostics conjoints des causes, des caractéristiques et des conséquences de l’inégalité hommes-femmes dans le secteur de l’agriculture et du développement rural et épauler l’élaboration de politiques et de mesures pratiques permettant de résoudre les problèmes recensés. Si elle donne de bons résultats, cette approche pourrait être appliquée à un large éventail de pays. 
  • Promouvoir l’augmentation des investissements dans la recherche-développement afin d’améliorer la productivité agricole et d’encourager l’innovation favorisant une croissance inclusive et le recul de la pauvreté. 
  • Maintenir et intensifier leur partenariat bilatéral actuel, fondé sur le protocole d’accord de 2008, en identifiant un nombre limité de priorités régionales stratégiques précises, assorties d’un plan d’action clair et des ressources adéquates. Le protocole d’accord propose un vaste programme d’action. Le succès de sa mise en oeuvre requiert la priorisation d’objectifs stratégiques clairs et leur traduction sous forme d’activités à exécuter, choisies de façon judicieuse. Les ressources devront être suffisantes pour financer des activités spécifiques, et pour assurer une liaison, un suivi et une supervision efficaces. La réussite va dépendre du respect d’un plan d’action réaliste, bien défini et doté de ressources adéquates, qui définit de façon détaillée les objectifs, les activités à exécuter, les mécanismes de redevabilité, un calendrier contrôlable et des engagements budgétaires transparents. 
  • Articuler leur partenariat sur leurs avantages comparatifs et leurs domaines de spécialisation et de complémentarité respectifs, et l’axer sur les résultats. Ceci donne la répartition suivante :a) Pour la BAD, ses compétences macroéconomiques et infrastructurelles, et pour le FIDA, sa spécialisation dans les aspects sociaux, microéconomiques et communautaires de l’agriculture et du développement rural.B) Pour la BAD, son appui aux opérations (de grande envergure) du secteur privé, y compris l’agro-industrie, et pour le FIDA, son soutien aux petits producteurs et à leurs organisations, et son expérience en matière de crédit rural et de petites entreprises.C) Pour le FIDA, un rôle de pionnier dans les innovations utiles aux pauvres, et pour la BAD, celui de porter ces innovations à plus grande échelle dans les domaines où elle possède les compétences nécessaires.
  • À l’échelon régional, développer leur partenariat dans le cadre du partenariat CAADP, pour appuyer ce programme. Le rôle du FIDA et de la BAD dans la communauté des donateurs et des organisations de développement est de mobiliser et de coordonner l’ensemble des appuis en faveur de l’agriculture et du développement rural en Afrique. En conformité avec la Déclaration de Paris et le Programme d’action d’Accra, les deux institutions doivent travailler avec de grands acteurs, tels que la FAO, la Banque mondiale et l’Union européenne, et avec les donateurs bilatéraux (en particulier l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID48), sans oublier les instituts s’intéressant aux politiques et à la recherche, tels que l’IFPRI.

Recommandation(s) à la Banque :

  • Continue d’intervenir directement dans le secteur de l’agriculture et du développement rural, mais élabore une stratégie plus sélective, étroitement liée à ses priorités à moyen terme et alignée sur le CAADP. La Banque devrait maintenir son appui à ce secteur en raison de son importance et de sa contribution à la croissance et à la lutte contre la pauvreté, mais aussi des conséquences d’une succession de crises alimentaires, énergétiques et financières. En revanche, elle ne devrait pas tenter de s’attaquer à tous les problèmes du secteur à l’échelle du continent ou avec tous les partenaires. La stratégie révisée devrait être très sélective et se fonder sur ses avantages comparatifs. Elle devrait assurer une meilleure cohérence entre des activités de développement agricole et rural et les priorités opérationnelles de sa Stratégie à moyen terme, en particulier le soutien aux opérations du secteur privé. Les priorités stratégiques à moyen terme du document de la Banque en réponse à la crise alimentaire sont donc justes mais devraient être affinées pour jeter les bases d’une stratégie sectorielle sélective à moyen terme. 
  • Après l’approbation d’une stratégie révisée, lance une vaste campagne de communication pour informer les dirigeants africains et les autres donateurs du secteur de ses objectifs stratégiques sectoriels. Le changement apporté par la Banque à ses politiques agricoles ont envoyé des signaux contradictoires aux décideurs du continent et aux autres institutions de développement. Elle doit donc effectuer une réorientation de son message institutionnel pour réitérer son engagement et ses priorités. L’élaboration d’une stratégie révisée et sa mise en oeuvre devraient faire appel non seulement à OSAN mais également aux départements de la BAD qui appuient directement ou indirectement l’agriculture et le développement rural.
  • Renforce son appui en faveur du développement régional et infrarégional. Les infrastructures, les marchés et les institutions de la région et de ses sous-régions revêtent une importance cruciale pour le développement de l’agriculture. La BAD devrait s’employer tout particulièrement à aider les pays à augmenter leurs investissements et à renforcer la coordination à l’échelon régional, en utilisant mieux les instruments de prêt existants, et en mettant au point des mécanismes d’allocation au niveau régional. 
  • Veille à doter la stratégie révisée de ressources humaines et financières suffisantes de manière à ce qu’elle soit exécutée efficacement. De même, elle doit s’efforcer de tirer parti de financements supplémentaires provenant du secteur privé, de donateurs privés, des États arabes et de donateurs non traditionnels, dont le Brésil, la Chine, la République de Corée et l’Inde. Des mesures devraient également être prises afin que des ressources adéquates soient fournies aux pays membres régionaux et aux départements opérationnels aux fins de la réalisation d’analyses et d’études sectorielles importantes.

Recommandation(s) au Co-financier:

  • Se consacre de manière plus stratégique à des activités d’analyse. Ce travail est essentiel pour étayer la formulation des stratégies de pays et la conception des projets. Pour cela, il doit développer ses capacités analytiques internes et forger des partenariats stratégiques avec d’autres institutions qui ont de telles capacités. Le FIDA aura donc besoin de ressources additionnelles, en termes financiers et en termes de renforcement des capacités. 
  • Alloue de façon différentielle ses ressources administratives. Compte tenu des carences institutionnelles et politiques des États fragiles et des pays dont l’EPIN (évaluation des politiques et des institutions nationales) est faible, l’allocation des ressources administratives à ces pays devraient être rehaussée pour leur permettre de réaliser les analyses nécessaires à la formulation des stratégies de pays et à la conception des projets, et de superviser et appuyer leur exécution. Le FIDA serait alors en mesure de renforcer sa participation et son appui aux programmes entrepris dans les pays dont les capacités sont plus faibles et où le contexte est plus difficile.
  • Planifie des activités choisies et menées conjointement par les divisions Afrique de l’Ouest et du Centre, Afrique orientale et australe, et Proche-Orient et Afrique du Nord. Un des choix pourrait être l’élaboration d’un programme de partage des connaissances portant sur les enseignements tirés, les bonnes pratiques et l’expérience accumulée par les trois divisions régionales. Une politique proactive d’échange de personnel et de consultants entre les trois divisions devrait également être formulée. Les activités conjointes pourraient aussi comprendre des programmes de dons régionaux permettant de financer, par exemple, la recherche agricole relative à des problèmes transrégionaux.
File(s):