Evaluation Team
Le présent rapport a été établi par Detlev Puetz, Évaluateur en chef, et Girma Earo Kumbi, Évaluateur supérieur, de la Division des politiques du Département de l’évaluation des
opérations (OPEV) de la Banque africaine de développement. La préparation du rapport a été supervisée par Odile Keller, Chef de division, OPEV. Colin Kirk et James Edwin (tous deux anciens d’OPEV) ont lancé cette évaluation et supervisé ses étapes initiales (Avril 2010 - mai 2011). L'évaluation a eu des apports substantiels à partir d'un groupe de référence interne de la Banque, composé de M. Mbarack Diop et Justin Ecaat, M. Ali Osman Aymen, M. Noel Kulemeka et M. John Kanyarubona.
Pour toutes questions et observations, prière de s’adresser à M. Detlev Puetz d.puetz@afdb.org ou M. Girma Kumbi g.kumbi@afdb.org de OPEV, AfDB.
Objective
La présente évaluation vise essentiellement à : i) évaluer la prise en compte de l’environnement, les sauvegardes et les résultats environnementaux dans le secteur du transport routier ; ii) déterminer dans quelle mesure les préoccupations écologiques et l’intégration de l’environnement sont reprises à leur compte par les PMR ; et iii) examiner jusqu’à quel point les réalisations environnementales sont durables.
Main Findings
- L’évaluation montre que les résultats environnementaux dans le domaine des routes sont meilleurs lorsque les systèmes nationaux fonctionnent bien. Les cadres législatifs, les mécanismes institutionnels pour l’intégration des questions environnementales, l’allocation des ressources et la mise en oeuvre au niveau national sont des aspects importants. L’existence de systèmes nationaux efficaces dans les PMR constitue le meilleur moyen de veiller à ce que des plans de gestion et des sauvegardes environnementaux soient clairement définis et validés au moment du lancement des projets ; à ce que les administrations routières des PMR disposent d’un personnel motivé, ainsi que de budgets et de processus adéquats, pour la planification et le suivi environnementaux ; et à ce que les marchés de construction et les dossiers d’appel d’offres contiennent des dispositions et clauses environnementales appropriées faisant l’objet d’un suivi et d’une supervision rigoureux par les organes d’exécution.
- Les réalisations environnementales à court terme des projets routiers financés par la Banque étaient de loin satisfaisantes. Des routes bien construites et modernisées ont, en général, un impact environnemental global positif, en particulier à court terme, par exemple sous forme de réduction des émissions de dioxyde de carbone. L’évaluation a également constaté l’existence de nombreuses mesures d’atténuation des impacts environnementaux, notamment la protection de l’environnement sur les chantiers, la construction d’ouvrages hydrauliques et de lutte contre l’érosion appropriés et la remise en état de routine des sites d’emprunt et des carrières à la fin des travaux. Ces produits environnementaux positifs sont souvent liés au respect des bonnes pratiques et des normes de qualité technique appropriées par les sociétés de construction, les environnementalistes proactifs sur le site et à la supervision des agences des routes. Parfois, les bonnes pratiques environnementales ne sont pas suffisamment respectées, ce qui se traduit par des préjudices environnementaux pour les populations locales, les ressources naturelles et la faune.
- La qualité de la gestion environnementale des routes et de leur entretien à long terme laisse souvent à désirer, à la différence des effets à court terme. La gestion environnementale pendant l’entretien routier et le maintien en bon état des investissements environnementaux reçoivent très peu d’attention et de ressources de la Banque comme des PMR, ce qui compromet les efforts initiaux.
- Des dégâts environnementaux secondaires induits par la construction de routes, tels que la déforestation, les colonisations rurales spontanées et la perte de biodiversité, sont rarement atténués, que ce soit par le biais de projets ou d’interventions sectorielles. L’évaluation a constaté des effets secondaires négatifs pour certaines routes qui traversent des réserves naturelles ou des zones autrement sensibles et protégées. Les directives de la Banque sont vagues quant à l’atténuation de ces effets secondaires.
- La qualité technique des évaluations de l’impact environnemental et des plans de gestion environnementale de la Banque pour les routes, tels que soumis avec les rapports d’évaluation des projets a été jugée satisfaisante. Toutefois, certains projets auraient pu bénéficier d’une harmonisation plus efficace des sauvegardes et des plans de gestion environnementale de la Banque avec ceux des PMR et d’autres bailleurs de fonds. Le personnel de la Banque chargé des sauvegardes n’est guère motivé à faire preuve de souplesse dans la formulation des exigences et des sauvegardes environnementales, s’inspirer des PMR, coopérer et harmoniser l’action avec d’autres bailleurs de fonds et adopter des approches pragmatiques et axées sur les coûts – sans compromettre les sauvegardes et les objectifs environnementaux essentiels de la Banque. Des efforts sont rarement faits pour rapprocher les différentes évaluations environnementales, les plans de gestion et les budgets correspondants au stade du lancement des projets, ce qui est particulièrement important pour les projets financés conjointement ou parallèlement.
- Le suivi et la supervision environnementaux assurés par la Banque sont faibles. Le cadre de suivi et évaluation, les dossiers de la supervision et les RAP de la Banque ne donnent pas une image complète des résultats et insuffisances au plan environnemental, que ce soit pour des projets routiers pris individuellement, ou pour le secteur dans son ensemble. Le format de supervision et la plateforme SAP de la Banque manquent d’indicateurs de performance environnementale et sociale dans la notation sommaire des projets. Les lacunes des informations issues de la supervision affectent également la qualité de l’information environnementale contenue dans les RAP. L’insuffisance d’incitations et de capacités du personnel contribue à la faiblesse de la supervision et du suivi des sauvegardes environnementales au stade de l’exécution des projets. Les équipes de supervision comprennent rarement des spécialistes de l’environnement. Il existe une surcharge de travail thématique chez les chefs de projet et les chefs de division sectoriels et une déviation par rapport à d’autres indicateurs de performance qui sous-tendent les priorités (échéances cibles pour l’approbation et le décaissement). Le classement environnemental n’est pas utile pour attirer l’attention sur les projets écologiquement sensibles aux fins du suivi pendant l’exécution. Les critères de classement privilégient la taille du projet, plutôt que ses risques environnementaux.
- Les évaluations environnementales stratégiques pour les pays et secteurs sont considérées comme un point d’entrée important pour la prise en compte de l’environnement dans les projets. Toutefois, elles sont sous-utilisées par la Banque et les PMR. Les évaluations environnementales stratégiques (EvES) constituent un processus systématique visant à atteindre des objectifs environnementaux sectoriels et nationaux plus larges, notamment l’atténuation des impacts environnementaux à plus long terme et les arbitrages à opérer avec d’autres objectifs de développement.
- Tel que démontré par les trois études de cas nationales et confirmé par la revue bibliographique sur l’évaluation et par les entretiens, d’importants progrès ont été accomplis en ce qui concerne les politiques environnementales des PMR, depuis les années 90, mais les structures et les procédures de mise en oeuvre demeurent souvent faibles. Par exemple, les trois PMR couverts par la présente évaluation, à savoir le Cameroun, le Maroc et l’Ouganda ont tous mis en place des politiques environnementales, des cadres juridiques et des institutions et processus administratifs complets. La sensibilisation sur l’environnement s’intensifie. Mais, la volonté politique, l’engagement des organismes et la mise en oeuvre des politiques font souvent défaut. La gestion environnementale est généralement trop ambitieuse et dotée de ressources insuffisantes.
- Les bailleurs de fonds ont contribué, dans une large mesure, à améliorer l’image et l’intégration des questions environnementales dans les PMR. Le soutien, l’engagement et le plaidoyer permanents pour l’environnement demeurent importants. La supervision des bailleurs de fonds et leur assistance pour la mise en oeuvre seraient l’un des meilleurs moyens d’attirer l’attention des organismes gouvernementaux, des administrations routières et des entrepreneurs du bâtiment sur l’atténuation des atteintes à l’environnement et le renforcement du poids des environnementalistes au sein des organismes publics.
- Des systèmes nationaux sont utilisés pour la protection de l’environnement, mais les obligations juridiques exigent un engagement permanent de la Banque. Les systèmes nationaux sont déjà largement utilisés pour les évaluations des impacts environnementaux et la conception des plans de gestion, en vue des négociations sur les clauses environnementales avec les entrepreneurs du bâtiment et pour le suivi des résultats environnementaux par les administrations routières. Cependant, les exigences de la Banque relatives à la sauvegarde juridique et au contrôle préalable et le mécanisme indépendant d’inspection (CRMU) appellent une attention et un engagement permanents de la Banque pour mettre en place des sauvegardes et les suivre tout au long du cycle du projet. Toutefois, des sauvegardes essentielles et des normes de contrôle préalable ne sont pas toujours clairement définies, ce qui peut donner lieu à des décisions arbitraires. La seule exception concerne la détermination d’une indemnisation précise et juridiquement contraignante pour les cas de déplacement involontaire de populations dans le cadre des projets routiers (et d’autres projets). Il est intéressant de souligner que la Banque ne définit ni n’utilise l’expression « sauvegardes » dans ses directives de 2001 et 2003 ni dans sa Politique environnementale de 2004.
- Les PMR éprouvent souvent des difficultés à concilier les exigences des différents bailleurs de fonds en matière de sauvegardes, de gestion et de procédures environnementales. La qualité et l’intégrité des évaluations environnementales exécutées par les PMR, ainsi que les plans de gestion environnementale et les processus d’approbation qu’ils élaborent, sont souvent induites et minées par de nombreuses exigences des bailleurs de fonds qui ne font pas toujours l’objet d’une communication ni d’un alignement appropriés dans la pratique.
- Prise en compte de l’environnement à la Banque: L’approche adoptée par la Banque pour l’intégrer les aspects environnementaux et soutenir les systèmes nationaux des PMR n’a pas bien fonctionné. La Banque n’est pas parvenue à transformer en actions ses ambitions et objectifs environnementaux. L’environnement n’a été bien intégré, ni dans les stratégies pays et sectorielles ni dans les activités du secteur économique ni dans les efforts de renforcement des capacités des PMR de la Banque, alors que la Politique environnementale de 2004 en fait une priorité. Et il n’y est consacré que peu d’efforts et de ressources.
- La prise en compte de l’environnement : l’affaire de tous, et finalement, de personne ? Le concept d’intégration exige que cela soit « l’affaire de tous », en d’autres termes, que cela soit bien intégré, institutionnalisé et présent dans la pensée, les priorités et les processus administratifs quotidiens. Mais, la présente évaluation et d’autres ont également montré à profession que l’intégration fonctionne mieux lorsque la responsabilité en est confiée à une institution et lorsqu’un point focal en assure la promotion, l’orientation technique et le suivi. Autrement, elle devient l’affaire de personne. Les nombreuses réorganisations que l’institution a connues entre 2006 et 2010 se sont traduites par la perte d’une unité organisationnelle clairement mandatée, ou « promotrice », chargé(e) des questions d’environnement et d’intégration de l’environnement à la Banque. Il s’ensuit un vide au niveau de la coordination, du plaidoyer et du suivi plus larges, en particulier en ce qui concerne l’appui aux systèmes nationaux.
Main Recommendations
Recommandation(s) à la Banque :
- Collaborer de manière plus interactive avec les PMR en matière d’évaluation de l’impact des projets sur l’environnement et de conception des sauvegardes ; élaborer des plans de gestion environnementale clairs, cohérents et applicables pour les projets routiers financés par la Banque, en particulier en cas de cofinancement avec d’autres bailleursde fonds.
- Respecter les processus et exigences environnementaux des pays dans la mesure du possible. Il s’agit de mettre en place des mesures incitatives et des directives pour le personnel de la Banque afin de l’amener à se conformer aux systèmes nationaux et de s’aligner sur tous les partenaires, sans compromettre les sauvegardes essentielles de la Banque ; et d’aider à renforcer davantage les capacités des PMR en matière de planification des sauvegardes et de la gestion environnementale.
- Oeuvrer à l’élaboration de plans de gestion environnementale consolidés et communs recueillant la pleine adhésion de tous, au moment du lancement des projets, sous la direction du PMR. L’alignement des partenaires revêt une importance particulière pour les projets financés conjointement et parallèlement.
- Formuler de manière rigoureuse et limiter les sauvegardes environnementales de la Banque lors de la révision du système de sauvegardes de l’institution, pour tous ses documents de politique et de projet pertinents. Il s’agit d’y ajouter uniquement les sauvegardes qui ont des implications juridiques ou de contrôle préalable pour la Banque.
- Améliorer la communication de la Banque avec les PMR sur les sauvegardes environnementales afin d’améliorer la transparence et la prévisibilité, en ayant recours à des systèmes en ligne à jour et à l’expertise pertinente des bureaux nationaux et régionaux.
- Appuyer et renforcer l’exécution et l’application des sauvegardes environnementales et des plans de gestion environnementale relatifs aux routes pendant la mise en oeuvre des projets, en particulier, pour les projets sensibles et à haut risque sur le plan environnemental.
- Aider les PMR à intégrer systématiquement des dispositions et budgets environnementaux dans les marchés de construction de projet et documents d’acquisition connexeset à en assurer le suivi.
- Accroître l’attention accordée à l’environnement dans les systèmes nationaux grâce à l’amélioration des exigences d’établissement de rapports sur les questions environnementales par la Banque, dans les rapports trimestriels d’activité et les missions de supervision.
- Établir l’ordre de priorité de la supervision environnementale en fonction des risques environnementaux. Ceci pourrait se faire en classant les projets dans la catégorie des projets très risqués sur le plan environnemental, éventuellement en établissant une distinction entre les risques environnementaux et sociaux, et en indiquant et identifiant clairement les projetset domaines particulièrement sensibles sur le plan écologique pour le suivi et la supervision dans les cadres logiques et les PGES.
- Étudier de nouvelles modalités élargies pour le soutien et la supervision environnementaux pour la Banque, au titre des projets écologiquement sensibles, notamment une aide spéciale aux départements des opérations pour la mise en oeuvre des dispositions environnementales, ainsi que le suivi ciblé de la conformité aux normes environnementaleset les audits à effectuer par la Division de la conformité et des sauvegardes (ORQR.3) au niveau pays.
- Mettre à profit la supervision axée sur les risques, le soutien à la mise en oeuvre et le suivi de la conformité aux normes environnementales pour assurer la sensibilisation et renforcer le savoir-faire et les capacités des institutions de mise en oeuvre des PMR en matière de supervision et d’application des mesures de protection environnementales.
- Renforcer les capacités environnementales sectorielles et nationales à long terme des PMR. Le soutien de la Banque doit être sélectif et prendre en compte les ressources, les capacités et les instruments disponibles au sein de la Banque.
- Élargir les analyses sectorielles diagnostiques et stratégiques de l’environnement, conformément à la politique environnementale et à la nouvelle vision de croissance verte de la Banque, en étroite collaboration avec les PMR. Ceci pourrait comprendre des études économiques et sectorielles élargies (EES), des évaluations environnementales stratégiques ou des outils similaires pendant l’élaboration et la mise en oeuvre des plans et stratégies nationaux, régionaux et sectoriels.
- Améliorer la gestion environnementale pendant l’entretien routier en s’engageant plus résolument aux côtés des PMR dans le cadre des programmes d’entretien d’infrastructures.
- Atténuer les impacts environnementaux induits à plus long terme des projets grâce à des études sectorielles environnementales stratégiques afin de gérer les conséquences environnementales à long terme et de renforcer les capacités des institutions connexes.
- Appuyer les institutions chargées des questions environnementales et la formation liée à l’environnement dans les PMR et les régions afin d’assurer la sensibilisation sur les valeurs et principes environnementaux, ainsi que l’intégration et la protection environnementales. Une large gamme d’instruments de la Banque pourrait être utilisée à cet effet, notamment les fonds fiduciaires, l’assistance technique, les projets de renforcement des capacités en matière de gouvernance ou les programmes de formation, éventuellement avec d’autres bailleurs de fonds et les autorités des PMR, par le truchement de fonds communs. Ceci pourrait comprendre le soutien aux OSC.
- La Banque devrait assumer une plus forte responsabilité proactive, catalytique et axée sur les valeurs de l’intégration environnementale en Afrique, appuyant ainsi sa stratégie de durabilité et de croissance verte à long terme, tout en tenant compte de ses ressources financières et techniques dans le domaine de l’environnement.
- Institutionnaliser l’intégration environnementale au sein de la Banque afin de mieux prendre en compte son orientation « en amont ». Ceci comprendrait une attention accrue aux politiques et directives environnementales intégrées ; la clarification des responsabilités institutionnelles liées à l’intégration environnementale au sein de la Banque ; la promotion des valeurs et mentalités axées sur l’environnement ; la formation régulière du personnel ; le renforcement des capacités environnementales ; et des mesures prospectives de protection de l’environnement qui aillent au-delà de l’étiquette « inoffensif ».
- Expérimenter et présenter l’intégration environnementale dans quelques programmes phares, par exemple dans les pays, régions ou secteurs qui adhèrent à l’idée, tel que déjà entamé dans la région Afrique centrale, au Maroc et au Rwanda ou dans des secteurs qui revêtent une importance particulière pour la Banque.
- Travailler de plus en plus en partenariat avec les PMR, les CER, les cofinanciers et les OSC sur les questions environnementales afin d’identifier les solutions environnementales et de renforcer les valeurs, la mise en oeuvre des politiques, l’application et les capacités dans le domaine de l’environnement.
- Introduire des indicateurs et mécanismes appropriés pour le suivi et l’établissement de rapports réguliers sur la performance environnementale de la Banque, par exemple, par le truchement des rapports annuels réguliers sur l’environnement et d’indicateurs de performance spécifiques aux niveaux institutionnel, départemental et national (PIP ou autres).