Programme national d’alimentation en eau potable et d’assainissement en milieu rural (PNEAR) - Phase de lancement

Date: 02/04/2012
Type: Evaluation des performances du projet
Country(ies): Rwanda
Secteur(s): Environement
Thème(s): Société civile
Statut: Achevé(e)
Ref.: PP10106

Equipe 

Direction d’OPEV

Rakesh Nangia, Directeur OPEV

Franck Marie Perrault, Directeur par intérim (au moment de l’évaluation)

Mohamed Hedi Mohamed, Chef de Division, Evaluation des projets et programmes, OPEV.1

Odile Keller, Chef de Division, Evaluation de Haut Niveau, OPEV.2

Objectifs

Le sous-programme faisant l’objet de cette évaluation rétrospective constitue la phase de lancement du PNEAR. Son but ultime est d’améliorer les conditions de vie des populations rurales dans sa zone d’influence, à savoir les provinces du Nord (Régions des Laves, Exprovinces de Ruhengeri et Byumba), de l’Ouest (Ex Provinces de Gisenyi et Kibuye) et de l’Est (Ex Province Kibungo). Ces zones ont été sélectionnées pour la phase de lancement à cause de l’urgence des besoins, du taux d’incidence des maladies hydriques élevé (50% des décès étaient dus aux maladies hydriques 6 ) et de la disponibilité des études techniques permettant une intervention rapide. En termes d’effets directs, des améliorations étaient attendues au niveau: (i) de l’accès pérenne à un système d’alimentation en eau potable; (ii) de l’accès à un système d’assainissement; (iii) des capacités à fournir des services d’AEPA de qualité en milieu rural ; (iv) de la soutenabilité des institutions locales d’AEPA en milieu rural; (v) d’adoption des comportements adaptés ; (vi) du système de planification et de suiviévaluation du secteur d’AEPA; et (vi) du financement de projets subséquents d’AEPA en milieu rural. Ces améliorations devaient concourir à réduire : (i) la pénibilité du portage de l’eau ; (ii) l’incidence des maladies liées à l’eau et à l’assainissement ; (i) les dépenses de santé, etc. 

L'essentiel du rapport

  • Le sous-programme répond à un besoin réel des populations rurales confrontées à une recrudescence des maladies d’origine hydrique dues à la mauvaise qualité de l’eau et celles liées au mauvais assainissement. Il s’inscrit dans le cadre de la politique et de la stratégie sectorielle du Gouvernement rwandais, en cohérence avec les stratégies nationales de réduction de la pauvreté (DSRP de 2002 et EDPRS 2008-2012) et les objectifs internationaux et régionaux. Le PNEAR utilise une approche basée sur la demande des communautés de base afin de renforcer la participation des bénéficiaires dans la définition des sous projets d’AEPA, ainsi que la réalisation et la gestion des infrastructures à travers les structures décentralisées mises en place par le gouvernement. Par ailleurs, le sous-programme découle de l’Initiative de la Banque relative à l’alimentation en eau potable et l’assainissement en milieu rural (IAEAR). Les objectifs du sous-programme sont conformes aux priorités générales de la Banque et à la stratégie de la Banque pour le Rwanda (DSP 2002-2004). L’approche programme adoptée par le PNEAR favorise un engagement à long terme entre le Rwanda et ixles partenaires au développement. La conception a intégré les enseignements sur l’approche participative et la gestion des infrastructures par les exploitants privés à travers un partenariat public-privé. Cependant, en dépit de la prédominance dans la zone ciblée des latrines non hygiéniques, la conception du sous-programme n’a pas suffisamment pris en compte les  besoins en infrastructures sanitaires et les campagnes d’IEC qui favorisent l’adoption des bonnes pratiques sanitaires et sur l’utilisation de l’eau. Le sous-programme est jugé très pertinent, avec une qualité à l’entrée satisfaisante.
  • Le sous-programme a réalisé la plupart des extrants escomptés conformément aux règles de l’art ; ceux-ci étant par ailleurs dans un état de fonctionnement satisfaisant. Il a permis d’alimenter durablement en eau potable environ 476 575 personnes et près de 16 200 personnes bénéficient des latrines hygiéniques familiales ou collectives sur une population totale estimée à l’évaluation à environ 3,3 millions. Même si la grande majorité des ménages de la zone du sousprogramme (98%) utilisent les latrines, ceux-ci sont dans l’ensemble en mauvais état (57%) et qualifiées de non hygiéniques. Le PNEAR-I a par ailleurs engendré des modifications sensibles sur le mode d’approvisionnement en eau potable des ménages ruraux avec notamment une augmentation de l’approvisionnement en eau aux bornes fontaines et sources aménagées, au détriment des points d’eau non aménagés. Toutefois, la proportion des ménages utilisant encore les sources naturelles comme alternative reste importante ; l’eau potable n’étant utilisée que pour des usages nobles (boisson, soins corporelles, cuisson et lavage de la vaisselle). La consommation moyenne d’eau potable au niveau des ménages est très en deçà des capacités offertes par le sous-programme et se situe autour de 11 litres/j/hab. (par rapport à une consommation moyenne prévue de 20 litres/j/hab.). En termes de qualité, l’eau fournie par le sous-programme est intrinsèquement bonne, bien que celle issue des sources aménagées méritent une attention particulière.
  • Dans le contexte de la prédominance des reliefs collinaires au Rwanda et de l’existence d’un habitat rural dispersé, le sous-programme n’a pas réduit significativement la distance aux points d’eau et le temps consacré à collecte de l’eau. La pénibilité du portage de l’eau est en outre accentuée par l’effort et l’énergie nécessaire pour transporter dans ce contexte un jerrican de 20-22,5 litres. Le sous-programme a contribué à l’amélioration de la capacité des intervenants à fournir des services d’AEPA de qualité en milieu rural avec notamment des Partenariats Public-Privé (PPP) satisfaisants et une bonne appropriation des ouvrages par les bénéficiaires. Le processus d’adoption de comportements adaptés, suscité essentiellement par quelques actions des centres de santé, reste lent. Les bonnes pratiques d’hygiène ne semblent pas encore bien ancrées dans les habitudes des populations rurales. L’accès permanent des populations à l’eau et pour certaines aux infrastructures d’assainissement familial et collectif, a eu selon les différentes parties prenantes un impact positif sur leurs conditions de vie. Dans l’ensemble, l’efficacité du sous-programme est jugée satisfaisante
  • L’analyse économique montre que le sous-programme a eu des avantages économiques conséquents en termes de frais évités pour le traitement des maladies hydriques et le transport relié à la recherche de traitement médical, de gains en jours ouvrés perdus évités, etc. Ces avantages vont mieux se manifester si des mesures adéquates sont prises pour accroître la consommation d’eau potable. Le taux de rentabilité interne économique (TRIE) est estimé à 17,8% pour une valeur actuelle nette (VAN) de 2,6 milliards de FRW, contre respectivement de 26% et 7,2 milliards de FRW à l’évaluation ex-ante et ensuite 27% et 22,59 milliards en FRW à l’achèvement. Le TRIE supérieur au coût d’opportunité du capital montre que le sousprogramme est économiquement viable. La baisse de ce taux et de la VAN est attribuable, entre autres, à l’hypothèse fondamentale d’une consommation de 20 litres/j/hab. Considérée au moment de l’évaluation ex-ante et réaffirmée à l’achèvement ; celle-ci s’étant révélée non xconforme à la réalité du terrain. En termes de coûts-efficacité, l’analyse a montré que les coûts unitaires par personne desservie par le sous-programme se comparent favorablement avec ceux d’autres projets d’AEP au Rwanda et en Afrique. L’analyse financière indique une intervention financièrement peu rentable pour le Gouvernement qui prend en charge les investissements initiaux. Le sous-programme jugé économiquement efficient est par contre financièrement peu viable.
  • Sur le plan institutionnel, la création d’une agence nationale en charge de l’eau et de l’assainissement aussi bien en milieu urbain que rural (EWSA) constitue un atout considérable. Le sous-programme a permis de renforcer le déploiement du suivi-évaluation au niveau sectoriel avec notamment l’inventaire des infrastructures d’AEP. Cependant, dans le cadre du processus de décentralisation, des efforts sont encore nécessaires pour développer au niveau des districts des systèmes intégrés de gestion informatisée des données de planification, suivi et évaluation des résultats de projets et programmes d’AEPA. Le PNEAR-I a en outre contribué au renforcement des capacités des acteurs publics et privés, celui-ci mérite néanmoins d’être poursuivi au niveau des Districts. Faute de décrets d’application du Code de l’Assainissement, l’Agence de régulation (RURA) ne parvient pas encore à fixer le niveau des prix, développer des standards sur la qualité des services, et assurer le suivi des performances des opérateurs dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. L’impact institutionnel du sous-programme est jugé
  • La durabilité des résultats du sous-programme est garantie par : (i) la qualité de la maintenance des infrastructures et leur gestion ; (ii) la mise en place d’un cadre politique légal et  administratif avec l’adoption des politiques, lois et stratégies de développement ; et (iii) une décentralisation effective. La forte implication des communautés dans la conception et la mise en oeuvre du sous-programme renforce le sentiment d’appropriation. La viabilité économique est confirmée par l’analyse des tests de sensibilité du sous-programme. Toutefois, le faible niveau de consommation d’eau potable reste un enjeu majeur et le coût important des investissements initiaux nécessite un partage adéquat des responsabilités pour financer le renouvellement et l’extension des réseaux. L’utilisation du partenariat public-privé (comme alternative au mode de gestion communautaire) permet d’assurer un entretien et une maintenance efficace des ouvrages et plus généralement une amélioration des performances de gestion administrative, technique et financière des systèmes d’AEP ; une concurrence entre opérateurs et un contrôle des prix pratiqués étant toutefois nécessaire. La performance globale du sous-programme est jugé satisfaisante

 

Les leçons

  • Pour le Groupe de la Banque: Des campagnes d’informations et de sensibilisation auprès des usagers sur l’hygiène domestique et le coût du service d’eau potable ainsi qu’une mise à disposition de points d’eau proches des habitations et offrant des services d’AEP à des tarifs abordables conçus par des processus transparents, sont indispensables en milieu rural pour un recouvrement durable des coûts et un accroissement de la consommation d’eau potable
  • La délégation de gestion des réseaux d’AEP en milieu rural à des opérateurs privés, comme alternative au mode de gestion communautaire, n’est avantageuse que lorsqu’il existe une véritable concurrence et un système efficace de contrôle de la qualité des services fournis et des prix de vente pratiqués.
  • Pour le Groupe de la Banque: La mise en place d’une décentralisation effective du secteur d’AEPA soutenue par un renforcement des capacités efficace et des contrats de performance liant les collectivités locales et le gouvernement central est un facteur clé de réussite dans le développement des services d’eau et d’assainissement en milieu rural
  • Pour le Groupe de la Banque: Un système intégré de gestion informatisée des données de suivi-évaluation au niveau décentralisé est critique pour une meilleure planification, mise en œuvre et suivi-évaluation des résultats de projets et programmes d’approvisionnement en eau potable, d’assainissement et d’hygiène en milieu rural

Les principales recommandations

Recommandation (s) au Gouvernement :

  • Accroissement de la consommation d’eau potable : Le Gouvernement doit créer les conditions permettant d’accroître la consommation d’eau potable par : (i) un rapprochement des points d’eau des usagers ; (ii) une accentuation du regroupement des habitats en Imidugudu ; (iii) un contrôle des services fournis et des prix pratiqués par les gérants des bornes fontaines ; et (iv) une sensibilisation des usagers sur l’hygiène domestique et le coût du service d’eau potable
  • Gestion des systèmes d’AEPA : Le Gouvernement doit renforcer la délégation de la gestion des systèmes d’AEPA par les exploitants privés en : (i) encourageant les investissements privés pour la réalisation des d’infrastructures ; (ii) favorisant le développement d’une filière en amont sur les matériaux de génie civil ; (iii) poursuivant le renforcement des capacités au niveau des districts et (iv) réalisant des études sur une tarification adaptée aux groupes pauvres et vulnérables, incluant une enquête sur la disposition à payer.
  • Qualité de l’eau destinée à la consommation: Le Gouvernement doit garantir la qualité intrinsèque de l’eau destinée à la consommation humaine par une protection suffisante des points de captage d’eau contre les pollutions ou risques de pollutions extérieures d’origine humaine ou agricole.
  • Technologies appropriées pour les latrines individuelles: Le Gouvernement doit mener des études pour identifier les technologies les plus appropriées (peu onéreuses et adaptées aux conditions locales) permettant de faciliter l’accès aux latrines individuelles hygiéniques aux populations rurales
  • Suivi-évaluation axé sur les résultats : Le Gouvernement doit renforcer davantage le suivi-évaluation du secteur en développant au niveau de chaque district, un système intégré de gestion informatisée de données de planification, suivi et évaluation des résultats de projets et programmes d’approvisionnement en eau potable, d’assainissement et d’hygiène

Recommandation (s) à la Banque :

  • Partenariat Public-Privé en AEPA : La Banque devrait, dans la conception des projets d’eau et d’assainissement, envisager d’inclure davantage le partenariat public-privé (PPP) soutenu par une véritable concurrence entre opérateurs et un système efficace de régulation
  • Equilibre des principales composantes d’AEPA : La Banque doit accorder plus d’attention à l’assainissement et l’hygiène dans les projets d’AEPA en milieu rural au regard de leur retombées positives dans l’amélioration des conditions sanitaires.
  • Décentralisation des services d’AEPA : La Banque doit encourager dans les pays membres régionaux, la mise en place d’une décentralisation effective du secteur d’AEPA soutenue par un renforcement des capacités au niveau local et des contrats de performance définis de façon participative, liant les collectivités locales et le gouvernement central.
  • Appui au développement d’un système de suivi-évaluation intégré : La Banque doit accompagner la décentralisation du secteur de l’AEPA au Rwanda par un appui institutionnel visant à développer au niveau des districts de véritable systèmes intégrés de gestion informatisée de données du suivi-évaluation des résultats des projets et programmes d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène.