Evaluation Team
Le présent rapport a été élaboré par M. P.A ROCHON, Chargé Principal d’Evaluation et M. Mathias SANOU, Consultant, à la suite d’une mission effectuée au Cameroun du 12 au 30 mars 2007. Toute question relative au rapport devra être adressée à M. H. RAZAFINDRAMANANA.
Objective
L’évaluation de l’assistance de la Banque au secteur social du Cameroun vise à examiner la cohérence de la politique et des stratégies de la Banque dans le secteur par rapport à celles définies par les autorités Camerounaises. Elle vise également à analyser dans quelle mesure les interventions de la Banque dans le secteur social au Cameroun ont atteint les objectifs assignés dans les Documents de stratégie par pays (DSP). Et aussi à analyser dans quelle mesure les ressources mises à disposition ont été efficacement utilisées à cette fin ; le principe de l’évaluation est de rechercher et d’expliquer les causes et les origines des résultats de l’assistance de la Banque, ses forces et faiblesses, et d’en tirer les leçons. Enfin, les conclusions de ce rapport d’évaluation sectorielle serviront à l’évaluation de l’assistance au pays.
Main Lessons
- L’absence d’un véritable dialogue, sur le long terme, autour d’objectifs stratégiques sectoriels clairs et cohérents, n’a pas permis à la Banque d’intervenir plus aisément, dans le secteur social (éducation, santé et réduction de la pauvreté) au Cameroun. On relève par conséquent, le manque de synergie entre les DSP et l’absence de rigueur dans la programmation de l’aide. Ainsi, la Banque a dû abandonner la lutte contre la pauvreté en zones urbaines, au profit d’une assistance à la santé de la reproduction non programmée initialement. Elle a abandonné également l’enseignement de base au profit de l’enseignement technique professionnel, avant d’arrêter ses financements dans l’éducation (2.1.3.6, 2.1.3.7, 2.1.3.8, 2.1.3.9, 4.2.2 , 5.1).
- L’adhésion à des instruments de financement comme les appuis budgétaires sectoriels, reste surtout théorique pour le Cameroun, car en pratique la Banque comme d’autres partenaires au développement, continue d’intervenir principalement au niveau des projets. En réalité, les problèmes de gouvernance ne favorisent pas encore ce mode d’intervention dans le pays. En effet, la détérioration de la gouvernance en général et de la gestion des finances publiques, particulièrement entre 2002 et 2004, n’a pas favorisé le renforcement du processus d’ « harmonisation ». A cet égard, l’utilisation des ressources intérimaires PPTE a révélé des insuffisances qui ont dissuadé les bailleurs de fonds de progresser vers l’octroi d’aides budgétaires sectorielles (1.5.4, 2.2.1.4, 4.2.2).
- L’ « harmonisation » de l’aide place le pays bénéficiaire au centre du processus (« alignement ») et dépasse la seule concertation ou coordination entre les bailleurs de fonds. Elle n’est pas réductible à « l’harmonisation » des procédures d’octroi de l’aide ou à la pratique des cofinancements. Au Cameroun, le processus d’harmonisation n’a pas connu de progrès significatif jusqu’en 2005. L’insuffisante coordination inter-ministérielle est demeurée le point faible de l’appropriation du dialogue avec les partenaires sur les politiques (3.1.7, 3.1.8, 3.1.10).
- Le Gouvernement éprouve des difficultés pour réaliser les conditions préalables à l’entrée en vigueur des prêts : le délai moyen est 16,6 mois pour les projets du secteur social (contre 6 mois requis par la Banque). Les difficultés liées à la satisfaction des conditionnalités sont accentués lorsqu’elles requièrent une forte adhésion du Gouvernement et la prise de textes règlementaires (2.2.2.2, 3.2.4.8).
- La Banque a apporté de la valeur ajoutée à son assistance, en mettant en œuvre une expérience pilote sous la forme d’une étude-action qui a permis de ramener le taux de redoublement à 8% à la fin de l’expérimentation contre 40% au départ, alors que le Gouvernement et d’autres partenaires du secteur préconisaient simplement des textes réglementaires pour arrêter ce phénomène (3.2.1.2).
- La stratégie 2005-2009, n’a pas prévu d’assistance au secteur social. Pourtant, un arrêt prématuré de l’assistance de la Banque hypothèque les perspectives de capitalisation et de généralisation des acquis l’expérience pilote de réduction du taux de redoublement réalisé avec succès dans l’enseignement primaire (2.1.3.7, 3.2.3.6, 3.2.3.7, 3.2.6.3)
- Les stratégies proposées par la Banque concernant la formation en alternance, la formation par unité capitalisante, la décentralisation et l’autonomie des institutions de formation, sont des innovations majeures dans le système existant. Mais étant donné que le Gouvernement ne s’est pas prononcé sur ces différentes options, à travers une politique sectoriel appropriée, l’assistance de la Banque ne repose pas sur base suffisamment solide dans le domaine de l’enseignement technique professionnel (2.1.3.3, 3.2.1.4).
- La fluctuation des cours de l’UC par rapport au FCFA a entravé le déroulement normal des activités tout en les renchérissant. Le Gouvernement a réussi à maintenir les objectifs quantitatifs dans l’enseignement primaire, en compensant sur les fonds PPTE et le BIP, l’important déficit de ressources lié aux pertes de change (3.2.4.9).
- En dix ans de coopération, aucune des infrastructures sanitaires financées dans le cadre de l’assistance de la Banque n’est encore fonctionnelle. La Banque n’a pas encore véritablement contribué au progrès du pays vers les ODM. Les facteurs à la base de cette contre performance sont que d’une part, la Banque ait voulu capitaliser l’expérience acquise par la CEP en la reconduisant systématiquement d’un projet à l’autre, sans une évaluation suffisante des ses capacités et d’autre part, les deux années qu’ont nécessité le recrutement d’un bureau chargé des études architecturales et techniques (3.2.3.9, 3.2.4.7).
- Les populations n’ont pas été suffisamment impliquées pour le choix des sites des infrastructures sanitaires. La modification des lieux d’implantations des nouveaux bâtiments devant abriter l’Hôpital de AYOS par exemple, a entraîné des surcoûts qui ont bloqué les travaux (3.2.1.9).
- En matière de réduction de la pauvreté au Cameroun, la Banque a consacré peu d’efforts en termes de travaux analytiques, afin d’avoir une vision plus large pour s’attaquer aux aspects les plus structurels de la pauvreté. Dans ce domaine également, elle ne disposait pas d’une expérience de terrain suffisante, concernant les mécanismes et moyens nécessaires pour atteindre les pauvres dans le pays. Aussi, elle a parfois embrassé trop de secteurs et d’activités en même temps, lors du choix des actions ciblées de lutte contre la pauvreté (2.1.3.8, 2.1.3.9, 3.2.1.11, 3.2.1.12).
- Lorsque les activités proposées par la Banque à l’évaluation ne sont pas suffisamment claires et explicites, cela entrave par la suite leur bon déroulement. Le «programme de chantiers-écoles » par exemple, ne s’est pas déroulé convenablement par ce que le concept n’était pas suffisamment compréhensible et le rapport d’évaluation ne décrivait pas in extenso la faisabilité (3.2.1.12).
- L’absence de consultations des bénéficiaires, a conduit à une surestimation de la capacité de mobilisation des apports personnels des communautés fixée à 20%, alors qu’elles ne pouvaient supporter que 10% (3.2.1.12).
- L’appréciation de l’UC par rapport au FCFA a été un facteur défavorable à l’atteinte de certains objectifs quantitatifs. Le Gouvernement a, par exemple, réduit de près de la moitié le nombre de linéaire des pistes rurales à réhabiliter ainsi que la qualité des ouvrages (3.2.4.9).
- Les mécanismes prévus pour le financement des charges récurrentes ne sont pas suffisamment appropriés pour assurer la viabilité des financements de la Banque. Les dispositions règlementaires prévoient une allocation financière pour aider au fonctionnement des conseils d’écoles et à la maintenance des écoles. Même insuffisants, ces fonds parviennent difficilement à la base. De fait, ces structures ne sont pas en mesure d’assurer l’entretien des écoles, pour ce qui est des gros travaux ( 3.2.6.2)
Main Recommendations
Recommandations au Bénéficiare :
- Réviser la stratégie 2005-2009, concernant le secteur social en tenant compte du rajeunissement du portefeuille, du caractère toujours prioritaire du secteur et de la fragilité des acquis concernant les ODM, des ressources limitées de l’Etat, et de la nécessité de capitalisation et de généraliser des acquis l’expérience pilote réalisée avec succès dans l’enseignement primaire (2.1.3.7, 3.2.3.6, 3.2.3.7)
- Il faut aider le Gouvernement à mettre en place politique et une stratégie sectorielle spécifique l’enseignement technique professionnel, afin de donner une assise plus solide à l’assistance de la Banque et à celle d’autres partenaires, dans ce domaine (2.1.3.3, 3.2.1.4).
- Il faut doivent engager un dialogue avec le Gouvernement afin que soient inscris dans le Budget d’investissement publique (BIP), les fonds nécessaires à l’entretien des ouvrages scolaires réalisés dans le cadre du financement de la Banque (( 3.2.6.2).
- Afin d’aider le pays à faire des progrès vers les ODM, la Banque devrait veiller à plus d’efficience dans la mise en oeuvre des activités, notamment celles relatives à la construction et l’équipement des formations sanitaires, afin de permettre aux populations bénéficiaires en particulier les femmes, d’en bénéficier le plus rapidement (3.2.3.9, 3.2.4.5, 3.2.4.6, 3.2.4.7, 5.4).
- Eviter la reconduction systématique des CEP d’un projet à l’autre et instaurer systématiquement un mécanisme contractuel basé sur l’évaluation de la performance des équipes de projet et l’obtention des résultats (3.2.4.7).
- Compte tenu du rôle de plus en plus important que jouent les populations bénéficiaires, en ce qui concerne le fonctionnement et l’entretien des écoles et établissements de soins de santé de base, le Gouvernement et la Banque devraient veiller à ce que toutes les parties prenantes soient effectivement associées à la conception des projets de manière à mieux intégrer leur capacité réelle de participation ( 3.2.1.9, 3.2.1.12, 3.2.6.2).
Recommandations à la Banque :
- Etablir un véritable dialogue, sur le long terme, autour d’objectifs stratégiques sectoriel clairs et cohérents en matière de lutte contre la pauvreté, en se fondant sur une meilleure connaissance du secteur (y compris les EES), les ODM et le DSRP (1.5.3, 2.1.3.6, 2.1.3.7, 2.1.3.8, 2.1.3.8, 5.1)
- Il faut aider le pays à se doter d’un système d'informations approprié permettant de répondre aux besoins de production et d'analyse, à intervalles réguliers, d'indicateurs pertinents pour le suivi-évaluation du DSRP et des ODM (3 .2.1.7, 3.2.1.11).
- Concevoir des opérations plus simples, moins ambitieuses et plus faciles à mettre en oeuvre, axées sur des domaines bien ciblés et ce, en fonction de la capacité de management et du savoir-faire dont dispose le pays, et définir clairement des indicateurs de performance et d’impact dans la matrice du projet (2.1.3.9, 3.2.1.11, 3.2.3.15)
- Afin de capitaliser l’expérience acquise sur le terrain et dans la perspective des opérations futures de la Banque au Cameroun et dans d’autres PMR, particulièrement dans le secteur de la lutte contre la pauvreté, la Banque (Département OPEV) devrait faire une revue de l’ensemble des projets dits « de réduction de la pauvreté » (2.1.3.8, 2.1.3.9, 3.2.1.11).
- Continuer a apporter un appui au Gouvernement pour lui permettre de mettre en oeuvre sa stratégie en matière de bonne gouvernance, en vue à termes d’une progression vers l’octroi d’aides budgétaires sectorielles favorables au renforcement du processus d’ « harmonisation » de l’aide qui place le pays bénéficiaire au centre du processus (2.2.1.4, 3.1.4).
- Diversifier et renforcer la complémentarité entre instruments d’intervention en combinant de façon efficiente les opérations de prêts et celles hors-prêt particulièrement les études analytiques, l’assistance technique et l’appui institutionnel (2.2.1.4, 3.1.1, 3.1.2, 3.1.6).
- Il faut mettre à la disposition du Bureau régional de Yaoundé et l’équipe-pays, les ressources humaines et financières nécessaires pour la réalisation des travaux analytiques et la préparation des projets (1.6.2, 2.2.5.5, 3.1.1.2, 3.2.1.5).
- Le Gouvernement camerounais devrait donner une impulsion significative au renforcement de sa coopération avec la Banque, en particulier la gestion et le suivi des opérations (4.1.1, 5.3).
- Il faut éviter la multiplicité des conditionnalités des prêts en renforçant le dialogue autour de celles qui sont réalistes, pertinentes et nécessaires à la réalisation des objectifs des projets (2.2.2.2, 3.2.4.8).
- Il faut intégrer dans les rapports d’évaluation, les risques liés aux pertes de change et de trouver un consensus autour d’un mécanisme d’atténuation des effets, pour ne pas compromettre l’atteinte des objectifs quantitatifs des projets (3.2.4.9).
- Il faudra réduire la rigidité de la Banque, à travers une décentralisation effective des activités et la délégation de pouvoir nécessaire au Bureau régional de Yaoundé (1.6.2, 2.2.2.4, 3.1.1.2).
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Cameroun Evaluation de l’assistance du groupe de la banque au secteur social, 1996 - 2004.PDF | 317.67 Ko |